DUR, CE SERA DUR. RIEN QUE DU SANG ET DES LARMES ? Pas sûr. Mais on devra bien se serrer la ceinture. C’est la disette, notre pays de cocagne devra se mettre à la diète ! De fait, on ne peut pas dépenser plus que ce que l’on gagne, ni multiplier les promesses sans pouvoir les tenir, encore moins distribuer davantage de rêves que les richesses produites. Hélas, hélas, nous vivons bien au-dessus de nos moyens, hypothéquant ainsi de manière inquiétante l’avenir de nos enfants. C’est pourquoi, dans la note dense, complexe, d’Elio Di Rupo, il y a bien davantage de bâtons que de carottes. Mais la sortie de la crise économique et financière est à ce prix.

Les années auraient-elles ramené le président du PS vers le centre, voire vers la droite ? Pas certain. Mais les propositions du formateur voient inévitablement les lignes droite/gauche bouger pour se perdre dans le flou. Tout comme celles, d’ailleurs, qui séparent le Nord et le Sud. Car, tant en matière économique qu’institutionnelle, Elio Di Rupo a osé. L’homme que, hier encore, Bart De Wever voyait  » à genoux dans la neige  » a eu le courage de sacrifier la sacralisation idéologique au profit du pragmatisme et du bon sens. Et en rebranchant la prise tirée brutalement par Alexander De Croo il y a plus d’un an, il a définitivement gagné ses galons de Premier ministre.

Au passage, il en fait, des mécontents, c’est certain ! Comment pouvait-il en être autrement ? Pour sortir de l’imbroglio dans lequel nous sommes enlisés depuis trois ans, il a non seulement posé les bonnes questions, mais aussi apporté des réponses pertinentes. Désormais, le Far West, où l’on passe son temps à se maudire mutuellement, et son énergie à se tirer dessus, c’est fini. Terminées, les provocations. Balayée, la langue de bois, même si les propositions avancées ne sont pas celles que certains voudraient nécessairement entendre. Quand le pays file en capilotade, l’arrogance est périmée.

De fait, l’heure est grave. Notre avenir passe inévitablement par un changement radical. Le monument est si branlant, les clivages entre Flamands et francophones si vertigineux qu’une réforme en profondeur est inévitable. Trop tard pour un compromis classique, de ceux qui ont assemblé jusqu’ici la mosaïque de la Belgique. Certes, en intégrant habilement la logique des autres partis, en enjambant sans états d’âme de très nombreux tabous, Di Rupo a pris des risques politiques. Mais en se plaçant clairement au-dessus du marigot politico-politicien, il a endossé la posture d’un homme d’Etat. Il était temps.

Voici donc venue l’heure des grands arrangements entre ennemis. Tout le monde devra mettre de l’eau dans son vin. A commencer par la N-VA (ce qui est loin d’être gagné), le FDF (la stratégie d’Olivier Maingain à la veille des communales n’est pas nécessairement consensuelle), et l’aile gauche du CD&V (difficile pour lui de cautionner les sacrifices sociaux). Or un bon accord est nécessairement à bénéfice réciproque. Il ne connaît que le donnant-donnant pour viatique. Et puis, cette sixième réforme de l’Etat ne peut aboutir que s’il y a une véritable volonté politique d’atterrir. Di Rupo n’est pas un prestidigitateur, seul il ne peut accomplir de miracle. Et il l’a dit lui-même : les chances de réussite oscillent entre 5 et 10 %. Il n’empêche, on peut se surprendre, peut-être, à espérer. Car il arrive que la vertu paie.

En se plaçant au-dessus du marigot politico-politicien, Di Rupo a endossé la stature d’un homme d’Etat

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