Orages en vue après le 18 mai

Le gouvernement s’est mis d’accord sur une liste d’articles de la Constitution qui pourront être revus sous la prochaine législature. Mais la discussion de fond n’aura lieu qu’au lendemain du scrutin. Ambiance garantie sur le front communautaire

Au terme de plusieurs nuits de débats, sur fond de roulements de mécaniques, de chantage et de dramatisation, le gouvernement de Guy Verhofstadt a finalement dégagé un compromis sur le dernier sujet sensible de cette législature, à savoir la déclaration de révision de la Constitution. Soixante et un articles û sur les 198 que compte la Loi fondamentale û ont finalement été déclarés ouverts à révision. Ce qui, en réalité, n’engage à rien : la prochaine coalition n’est, en effet, nullement obligée de modifier lesdits articles. Toutefois, si Verhofstadt parvenait effectivement à reconduire l’équipe arc-en-ciel au lendemain des élections législatives du 18 mai û et c’est là son plus fervent souhait û il y a fort à parier qu’il s’attellerait sans tarder à la tâche ainsi entamée. Le vrai boulot commencera sans doute dès la négociation du nouvel accord de gouvernement : il s’agira, alors, de se mettre d’accord sur le contenu. Réviser, oui, mais dans quel sens ?

L’article 195 de la Constitution, en particulier, sera sans doute à nouveau le théâtre d’affrontements entre les Flamands et les francophones. C’est lui, déjà, qui a donné le plus de fil à retordre à la majorité chargée d’élaborer la déclaration de révision. Cet article impose un rythme à trois temps à toute révision constitutionnelle (lire Le Vif/L’Express du 14 février 2003). Dans un premier temps, la majorité établit le catalogue des articles qu’elle aimerait voir remodelés par… la prochaine majorité. Dans un second temps, les chambres sont dissoutes et l’électeur, appelé aux urnes. Le troisième temps, enfin, est celui de la révision proprement dite, si toutefois la nouvelle majorité la juge souhaitable. Dans l’esprit des pères fondateurs de l’Etat belge, cette procédure, longue et semée d’embûches, devait mettre la Constitution à l’abri des coups de tête et des improvisations de certains responsables politiques. Elle était censée, aussi, permettre aux citoyens de s’intéresser au débat institutionnel. Mais voilà : depuis 1831, les choses ont bien changé, le temps s’est accéléré, la démocratie s’est modernisée, la Constitution doit régulièrement s’adapter aux exigences du droit européen et la Belgique unitaire s’est transformée en un Etat fédéral. Régulièrement, donc, la Constitution a été revue et corrigée au cours d’une seule législature : en cas de besoin, les gouvernants peuvent faire preuve de beaucoup d’astuce pour contourner les dispositions constitutionnelles. Ils ont le plus souvent recours, pour ce faire, à la procédure de la loi spéciale qui, paradoxalement, offre davantage de garanties aux francophones qu’une révision de la Loi fondamentale. Pour réviser la Constitution, il suffit de réunir les suffrages des deux tiers de l’ensemble des députés et des sénateurs. En théorie, donc, les francophones pourraient se voir imposer une modification par l’ensemble des parlementaires flamands soutenus par une petite poignée de francophones. L’adoption d’une loi spéciale exige, elle, l’appui d’une majorité des deux tiers des parlementaires et d’une majorité simple dans chaque groupe linguistique.

Finalement, donc, la majorité a décidé de faire figurer cet article 195 dans la liste des articles qui seront ouverts à révision sous la prochaine législature. Mais dans quel sens sera-t-il effectivement modifié ? Mystère. Les francophones réclameront que la procédure de révision de la Constitution leur offre désormais les mêmes garanties que celles que leur octroie la procédure de la loi spéciale, et qu’elle fasse, en sus, l’objet de deux votes entrecoupés par un délai de réflexion, histoire d’éviter des changements à la hussarde. Mais les Flamands nourrissent peut-être d’autres desseins. L’heure de vérité sonnera sous la prochaine législature.

Isabelle Philippon

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