On va (enfin) mettre de l’ordre

L’implantation des éoliennes en Wallonie est  » régie  » par un cadre de référence vieux de 8 ans dont le caractère obsolète est dénoncé par de nombreux milieux. La Région a décidé de reprendre la main pour établir une stratégie et de nouvelles règles avant la fin de l’année.

Licenciée en géographie et professeure dans une école de Dour, Véronique Coquay est une passionnée de ce que les spécialistes appellent les  » paysages ruraux identitaires « . Au-delà de toute polémique sur l’utilité des éoliennes, elle est bénévole chez Natagora et entretient de fréquents contacts avec le milieu associatif local mais aussi français tout proche. Dans la foulée, elle joue avec bonheur du crayon et de l’aquarelle pour peindre les plus beaux paysages du Haut-Pays, ce parc naturel qui couvre 15 700 hectares répartis entre les entités de Colfontaine, Dour, Frameries, Honnelles, Quévy et Quiévrain.

Aujourd’hui, la jeune femme lance un cri d’alarme en direction des décideurs politiques pour que cesse la multiplication des éoliennes dans le parc naturel.  » Au départ, lorsqu’il s’est agi d’ériger onze machines à Estinnes, puis quatorze autres à Dour-Quiévrain, je n’ai pas réagi, dit-elle. D’abord, parce que je n’ai rien contre les éoliennes, ensuite, parce que celles-ci étaient suffisamment éloignées les unes des autres. « 

Mais l’annonce de nouvelles demandes de permis décide la géographe à bouger.  » Le vase a débordé avec les neuf éoliennes de Quévy, reconnaît-elle. Avec elles, on dépasse le seuil du raisonnable et cela a d’ailleurs été stigmatisé par le Conseil wallon de l’environnement et du développement durable (CWEDD). En outre, il est question d’en ajouter quinze autres, ce qui – si on tient compte de la co-visibilité – formerait avec les machines d’Estinnes un ensemble de trente-cinq unités, dont certaines culminent à 200 mètres ! A cela viendraient s’en ajouter cinq autres sur le site historique du champ de bataille de Malplaquet, un point de vue remarquable qui s’en trouverait définitivement dénaturé. « 

A un jet de pales de là, sur la commune de Honnelles, une étude en cours parle aussi de six nouveaux mâts.  » Et comme si cela ne suffisait pas, poursuit la Douroise, les Français tout proches envisagent aujourd’hui d’accepter huit mâts à la limite du parc naturel régional de l’Avesnois. Nos voisins ont en effet déterminé une zone de développement d’éoliennes qui, comme par hasard, longe notre frontière.  » Sans prononcer le mot  » anarchie « , Véronique Coquay réclame aujourd’hui – seule ou avec des associations – une révision à la baisse du nombre d’implantations dans le parc et milite en faveur d’une réflexion globale autour du développement des parcs éoliens.

Un nouveau cadre pour l’automne ?

Le problème soulevé par Véronique Coquay tombe à point nommé. En effet, dans le droit fil de sa déclaration de politique régionale, le gouvernement wallon s’est engagé à actualiser le  » cadre de référence pour l’implantation des éoliennes  » adopté en 2002. A l’époque, la Wallonie ne comptait que… deux éoliennes et les chiffres ont explosé depuis lors avec 34 parcs en fonction aujourd’hui ( voir encadré p. 42).

Les éoliennes elles-mêmes ont évolué, tant au niveau de la puissance qu’au plan technique. Bref, il était urgent de procéder à une refonte en profondeur de l’ancien cadre.

Depuis novembre dernier, deux spécialistes attachés respectivement aux cabinets des ministres Nollet pour l’Energie et Henry pour l’Aménagement du territoire se sont attelés à la tâche. Ce travail à quatre mains a permis à Jehan Decrop (Nollet) et à Pascale Delvaux (Henry) de rédiger une note méthodologique qui vient d’être examinée par le gouvernement wallon et qui balise le travail à réaliser. Concrètement, une Cellule éolienne a été chargée de piloter les opérations. Composée de représentants des ministères déjà cités et de leurs cabinets, elle est étendue à l’Agriculture, l’Environnement, les Pouvoirs locaux et au facilitateur éolien de la Région wallonne, Jade Charouk. Elle se réunira début mars pour entamer une série de consultations avec les nombreux acteurs concernés ( voir encadré).

Au cabinet de Philippe Henry, Pascale Delvaux ne cache pas que la rédaction d’un nouveau cadre de référence représente une tâche d’envergure.  » Nous devons prendre en compte des paramètres très divers qui vont des contraintes aéronautiques à celles liées au patrimoine naturel, de la qualité du cadre de vie à la problématique des zones transfrontalières, ou encore des problèmes de co-visibilité entre parcs éoliens aux distances de sécurité. La liste est longue et, parmi les éléments neufs, il y a aussi le fait qu’en 2005 la Belgique a ratifié la Convention européenne du paysage… « 

Sur un plan plus stratégique, les enjeux sont également de taille avec des questions comme la maîtrise du foncier, l’encouragement de la participation citoyenne dans les projets éoliens, la sensibilisation des communes, voire l’établissement d’une liste de sites favorables, de zones privilégiées pour les implantations.

Pas question de  » geler  » les procédures en cours

Il y a donc du pain sur la planche, mais Pascale Delvaux se veut optimiste :  » Si le plan de travail est respecté, nous devrions rédiger à la fin du mois de juin une note à l’attention des ministres. A partir de ce moment, la balle sera dans le camp du gouvernement qui pourra alors faire les choix stratégiques et politiques pour aboutir au nouveau cadre de référence. Celui-ci pourrait ainsi voir le jour cette année encore.  » D’ici là, pas question de  » geler  » les procédures en cours : récemment, des mandataires wallons ont bien tenté de faire passer l’idée d’un moratoire, mais leur tentative a échoué. En ce qui concerne les préoccupations de Véronique Coquay, on peut donc supposer que les éoliennes ayant obtenu un permis seront bien installées…

FRANCIS GROFF

la wallonie compte 34 parcs d’éoliennes en fonction

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