Objet artistique ou non ?

Malgré l’importance économique acquise, le jeu vidéo reste une sorte d’ovni dans le secteur culturel. Peut-on le hisser au rang d’art ? Une expo, à Paris, y répond sans détour : oui !

Le jeu vidéo, c’est aujourd’hui l’industrie culturelle la plus rentable économiquement. Mais, comme le rappelle Björn-Olav Dozo, maître de conférences en humanités numériques et cultures populaires à l’ULg, il  » a du mal à s’imposer comme objet artistique car sa création est difficilement assimilable à l’acte d’un artiste unique et maître d’oeuvre  » (1). Pour autant, l’Université de Liège propose un cours d’histoire et analyse des pratiques du jeu vidéo, en considérant celui-ci comme un objet culturel à part entière (2). Et certains lui accordent le statut d' » art total  » : une pratique artistique faisant simultanément appel au dessin, à la peinture, à la sculpture, à la création d’univers entiers et de centaines de personnages, à la mise en scène, au scénario, à la musique…

Ce que confirme Art ludique – Le musée, qui propose, à Paris,  » la première grande exposition au monde consacrée à l’art dans le jeu vidéo  » (3). Entre Assassin’s Creed, Lapins crétins, Rayman et Dofus, entre pixels et aquarelles, on y explique le travail technique et artistique que requiert la conception des jeux vidéo. A méditer dans cette exposition qui permet de découvrir, pas à pas et en détail, les coulisses de la création. Derrière chaque titre se cache une équipe de créatifs.

Les premiers espaces présentent l’atelier de l’artiste. D’emblée, deux écoles semblent se distinguer. D’un côté, ceux qui dessinent et sculptent de manière traditionnelle. De l’autre, ceux qui emploient les outils numériques les plus actuels. Quelques interviews d’artistes dévoilent les sources de leur inspiration et quelques secrets de fabrication. Car derrière chaque opus, il y a la construction du dessin, des formes, des textures, de la lumière… Cette introduction est importante : elle livre des clés essentielles pour aborder la suite de l’exposition.

Les jeux vidéo ouvrent la porte d’un univers parallèle, où il est aisé de voyager dans le temps (à la découverte de cités contemporaines ou médiévales, de villes réelles ou imaginaires) et de découvrir de fabuleuses destinations (îles paradisiaques, lieux à la végétation luxuriante, montagnes embrumées…). Ils permettent également de revivre de grands épisodes historiques dans une ambiance réaliste. En bref, il n’existe aucune limite.

Le parcours réunit 800 oeuvres et installations d’une incroyable diversité. On observe de nombreux croquis qui se transforment en dessins plus aboutis pour finalement s’incarner en 3D. Expérience marquante, cette promenade de six minutes entre l’île Saint-Louis et Notre-Dame de Paris à l’époque de la Révolution. Voyage dans le temps assuré par un écran géant incurvé. Etonnamment, on ressent la même sensation de vertige que celle suggérée par un casque de réalité virtuelle.

La visite offre aussi la possibilité d’apprécier la passerelle culturelle et artistique entre cinéma et jeu vidéo. Certaines scènes sont dignes des grands films des années 1930 (avec un rendu unique en noir et blanc qui rappelle l’ambiance de Sin City et des angles de caméra rappelant l’expressionnisme allemand) ou des scènes d’actions tirées de superproductions  » hollywoodiennes « . L’exposition insiste aussi sur l’utilisation d’acteurs mondialement connus (Ellen Page ou Willem Dafoe) qui prêtent leurs traits aux personnages de ces sagas sur console ou PC.

(1) Dans Le 15e jour du mois, le mensuel de l’université de Liège, numéro de janvier 2016.

(2) Gratuit, tous les jeudis, dès le 4 février, de 16 h à 18 h 30, en douze séances. Au complexe ULg Opéra, à Liège. www.thema.ilg.ac.be/jeuvideo

(3) Art Ludique – Le Musée (34, quai d’Austerlitz), à 75013 Paris. Jusqu’au 6 mars. www.artludique.com

Gwennaëlle Gribaumont

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