Objectif Pluton

Lancée par la Nasa, la mission New Horizons mettra au moins neuf ans pour atteindre l’une des planètes les plus méconnues du système solaire

A lire : les mensuels Science & vie et Ciel & espace consacrent tous les deux ce mois-ci de passionnants dossiers à Pluton et à ses mystères.

Dix-sept ans de préparation, un voyage de neuf ans et demi, la découverte d’un monde inconnu. La sonde de la Nasa qui décollera entre le 17 janvier et le 14 février, à bord d’une fusée Atlas 5, de Cap Canaveral (Floride) constitue un fantastique pari. Sa mission, baptisée  » New Horizons  » : approcher Pluton, la dernière des neuf planètes de notre système solaire à ne pas encore avoir été observée de près par un engin spatial.

Quel étrange monde que Pluton ! Si différent par sa composition de ses cousines rocheuses (Mercure, Vénus, la Terre, Mars) et des géantes gazeuses (Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune) qu’il formerait à lui seul une catégorie à part d’objets célestes. Certains astronomes proposent même de retirer à cet astre, fait de roches et de glaces, le titre de  » planète « . Selon eux, Pluton appartiendrait à la famille des objets de la ceinture de Kuiper, ce millier de planétoïdes récemment découverts au-delà de l’orbite de Neptune. Et dont au moins deux – Sedna (1 800 km de diamètre) et 2003 UB313 (2 600 km), observés pour la première fois en 2003 – auraient des tailles comparables à la sienne (2 400 km) !

Repéré en 1930 par un astronome amateur américain du nom de Clyde Tombaugh, Pluton est encore aujourd’hui à la fois une curiosité et une énigme. C’est la plus éloignée de toutes les planètes : entre 4,4 et 7,4 milliards de kilomètres de notre Soleil. Son orbite serait originale : alors que les huit autres éléments du système solaire circulent plus ou moins dans le même plan, la trajectoire très elliptique de Pluton s’en écarte de plus de 17 degrés. Enfin, l’astre glacé formerait avec son satellite Charon, découvert en 1978, l’unique  » planète double  » de notre système solaire : au lieu de tourner l’un autour de l’autre, comme la Lune et la Terre, par exemple, les deux partenaires s’attireraient mutuellement, décrivant dans le vide un très curieux ballet.

Mystère atmosphérique

Cependant, du fait de son éloignement et de sa taille (cinq fois et demie inférieure à celle de la Terre), les plus puissants télescopes ne nous en restituent que des clichés flous. Aussi la planète conserve-t-elle à ce jour presque tous ses secrets.  » La composition de sa surface, où la température n’excéderait pas les – 233 degrés, est notamment mal connue, explique Emmanuel Lellouch, astronome à l’Observatoire de Paris. Elle serait faite d’un mélange de glaces d’azote, de monoxyde de carbone, de méthane et d’eau. Les spécialistes souhaitent en préciser la répartition géographique et les teneurs.  » Autre mystère : son atmosphère ténue. Découverte en 1989, au moment où la planète était au plus proche du Soleil, cette enveloppe serait produite par le passage à l’état gazeux de la  » banquise  » plutonienne réchauffée. En théorie, elle devrait donc diminuer en regelant, pour finir par disparaître à mesure que Pluton s’éloigne de notre étoile et s’enfonce peu à peu dans la nuit. Mais, paradoxalement, l’atmosphère plutonienne augmenterait de volume, selon les observations réalisées par les astronomes de l’Observatoire de Paris voilà deux ans ! A quoi est due cette arrière-saison ? C’est ce que tentera de déterminer la mission New Horizons, qui survolera durant cinq mois et demi Pluton, Charon et deux autres petites lunes découvertes en juillet 2005 par le télescope spatial Hubble. La sonde devrait ensuite aller explorer un ou deux spécimens de la ceinture de Kuiper. Du moins… si elle arrive à temps ! Le plan de vol de la Nasa prévoit, en effet, de raccourcir la durée de ce voyage de 6,4 milliards de kilomètres, en utilisant la gravitation de Jupiter comme un accélérateur. Un coup de booster jovien dont New Horizons ne pourra bénéficier qu’à condition d’être placé en orbite avant le 28 janvier. Faute de quoi l’engin spatial devra rallier Pluton par ses propres moyens. L’année d’arrivée serait alors non plus 2015 mais 2020. Une date à laquelle l’atmosphère de la planète pourrait avoir disparu pour une petite année plutonienne. Soit, tout de même, l’équivalent de… 248 de nos années terrestres !

Vahé Ter Minassian

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