Nos coups de coeur 2002

Voici les préférences des journalistes culturels du Vif/L’Express pour l’année qui s’achève

Philippe Cornet (musique non classique)

Christophe, à l’Olympia (mars): une « générale » en public après un quart de siècle d’absence scénique. Théâtral, intimiste, bouleversant.

Daan, aux Halles de Schaerbeek (novembre): la performance dédiée à son répertoire « cinéma ». Si loin de Hollywood, tellement près du coeur.

Coldplay: pour son second album et un concert à Forest-National bondé (novembre). La pop music anglaise comme merveilleux antidote à la dépression.

Kronos Quartet, Nuevo: un disque magistral et postmoderne, qui tutoie la musique du XXIe siècle.

Ghislain Cotton (littérature)

Les Stratèges, par Guy Vaes (éd. Luce Wilquin): un double récit passionnant où la métaphysique rejoint Haggard et Lovecraft.

Ruines-de-Rome, par Pierre Senges (Verticales): un suspense botanique baroque et pernicieux par un paysagiste de la langue.

Je suis un assassin, par Laurent De Graeve (Le Rocher): en forme de polar, un cri posthume d’amour et de mort, au coeur de la « différence ».

Louis Danvers (cinéma)

Ivre de femmes et de peinture, de Im Kwon-Taek: une merveille venue de Corée, où l’on suit l’itinéraire d’un artiste et de son époque avec une verve épatante et des images d’une constante splendeur.

Heaven, de Tom Tykwer: l’adaptation prenante du dernier scénario de Kieslowski par un jeune cinéaste allemand de très grand talent, et avec une actrice superbe, Cate Blanchett.

Arbres, de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil: un bonheur de documentaire original et visuellement magnifique, accompagné d’un savoureux commentaire dit par Michel Bouquet.

Martine D.-Mergeay (musique classique, opéra)

Aïda et Ballata: Bob Wilson et Antonio Pappano pour la jeune princesse éthiopienne, Achim Freyer et Kazushi Ono pour le vieux marin de nulle part. Deux productions exemplaires de la Monnaie, pour deux opéras italiens créés à 131 ans d’intervalle, le premier, de Giuseppe Verdi (1813-1901), le second de Luca Francesconi (né en 1957). Deux chefs-d’oeuvre accomplis.

William Christie et son Jardin des Voix: un concept élaboré à partir des Arts Florissants, une académie intensive tenue à Caen, une tournée de concerts à travers l’Europe (notamment au palais des Beaux-Arts de Bruxelles, en novembre)et, à chaque fois, l’extase.

Cosi fan tutte: comment le théâtre rend justice à l’opéra, en particulier à Mozart… Donné – fugitivement, hélas! – à l’ORW, dans une mise en scène de Philippe Sireuil tout en fluidité, lisibilité, grâce, style et lumière, et même si l’orchestre n’y fut pas précisément miraculeux.

Les Enfants de Peuvion: un bien « bia bouquet » que celui offert à Jean-Pierre Peuvion par sa classe de « Nouvelles musiques de chambre »: c’était en juin, un concert de virtuosité pure donnée par plus de 60 musiciens, les juniors et les anciens, improvisant comme des jazzmen ou des rockeurs, avec la technique, la sensibilité et la science des classicos. Le rêve.

Michèle Friche (théâtre)

Le Grand Bal des Marolles, aux Tanneurs, à Bruxelles (novembre): quinze habitants des Marolles qui disent, chantent et dansent l’âme de leur quartier, portés par la mise en scène de Xavier Schaeffers et le texte de Véronika Mabardi. Rigueur et générosité, fous rires et émotion!

Jimmy, créature de rêve, de et par Marie Brassard, au Théâtre 140, à Bruxelles (mars): un solo fascinant de la comédienne québécoise, qui donne corps et voix aux êtres qu’enfantent les rêves… et les actrices. Du grand art de la métamorphose pour un joyau de sensibilité.

Tambours battants, d’Arne Sierens à l’Eden, à Charleroi, et au Varia, à Bruxelles (octobre, novembre): dans une mise en scène de Koen de Sutter, des mots crus, poignants et une musique musclée live pour une tragédie qui colle à la peau de deux comédiens à la liberté inouïe. Une ivresse bouleversante!

Guy Gilsoul (arts plastiques)

The Cremaster Cycle, de Matthew Barney, au musée d’Art moderne de Paris: spectaculaire, baroque, décalé et d’une extraordinaire présence onirique, l’univers d’un scénographe, sculpteur, cinéaste et photographe américain fascine jusqu’aux tripes.

Dessins, la collection Kruger-Poniatowski, au musée Jacquemart-André, à Paris: au printemps dernier, un ensemble de dessins allant du XVe siècle à Balthus et Giacometti. L’extraordinaire sensibilité de la main s’y mesurait au millimètre carré.

Anish Kapoor , à la Tate Modern, à Londres: sur les 150 mètres de l’ancien hall des machines de la Tate Modern, le sculpteur a suspendu une sculpture qui tient tout à la fois de l’entonnoir, du gouffre, du conduit de l’oesophage et de la bouée de sauvetage. A couper le souffle et merveilleusement inquiétant (une exposition est prévue au Grand-Hornu en 2004).

La galerie Aéroplastics, à Bruxelles: pour sa programmation associant habilement provocation et merveilleux, technologie de pointe et bricolages de génie, cette galerie suscite à chaque fois la curiosité. On en prend plein a vue…

Pascale Gruber (livres pour enfants)

La Tétine de Nina (par Christine Naumann-Villemin, Marianne Barcilon. Kaléidoscope, l’Ecole des loisirs). Que tous ceux qui n’ont jamais aimé tétine, pouce ou autres doudous lui jettent la première pierre. Et que tous les autres se régalent, dans cette ode pleine d’esprit aux objets qui aident à grandir.

Nono le crado (par David Roberts. Lipokili). Il est berk comme tout. Et, donc, parfait pour nous faire exploser de rire…certes, peut-être un peu gras, mais résolument sans complexe. Cela n’a pas de prix et valait bien celui-ci!

Bonne nuit, petit dinosaure! (par Jane Yolen, Mark Teague. Gallimard jeunesse). Des dessins magnifiques et jubilatoires pour une histoire où les enfants se reconnaîtront forcément et où les parents réaliseront que, en réalité, les séances destinées à mettre leurs gamins au lit ne sont que roupie de sansonnet…

La Comédie des ogres (par Fred Bernard, François Roca. Albin Michel Jeunesse). Récit et fabuleux dessins, parfaitement au diapason, se conjuguent dans cette chanson qui narre l’amitié, le rêve et l’imagination.

Une nuit de Noël (par Emmanuel et Benoît de Saint Chamas, Christophe Durual. Seuil Jeunesse). On y parle de l’absence et de la mort. Mais, aussi et surtout, de bonheurs simples, de solidarité. Et de petits miracles qui illuminent certaines nuits, aussi magiques que ce livre.

Stéphane Renard (bande dessinée)

Le Chat du Rabbin, par Sfar (Dargaud). Intelligence, humour (juif) et dissertation sur le sens du divin: un album d’une rare subtilité dont le succès a été tel que le deuxième tome, Le Malka des Lions, a mis moins d’un an pour envahir les rayons. Indispensables, tout simplement.

Le Cri du Peuple, par Tardi et Vautrin (Casterman). On triche un peu puisque le premier volume date de l’an passé. Mais le second étant à la hauteur de son prédécesseur… Format à l’horizontale pour des scènes aussi puissantes que l’idéal de la Commune. Ah! les belles barricades que voilà!

Le Vol du Corbeau, par Gibrat (Dupuis). Malgré (ou grâce?) à un scénario un peu court, envoûtement garanti par une somptueuse mise en images. Très classe.

Lucie Van de Walle (danse)

Red Cliff, de Bud Blumenthal, aux Tanneurs, à Bruxelles (avril): un spectacle très plastique et équilibré, où les images en mouvement d’Antonin De Bemels rejoignent l’espace en trois dimensions de la chorégraphie de Bud Blumenthal. Des combinaisons savantes et raffinées, et trois danseurs exceptionnels.

Ten Sueno, de Fernando Martin, au théâtre de la Balsamine, à Bruxelles (juin): de solos dépouillés en quatuors complexes, le chorégraphe Fernando Martin utilise le corps comme ciment fluide à une mosaïque d’états amoureux. Un travail fignolé et riche d’idées, une scénographie en transparence et un univers peuplé de songes dans lequel on se laisse entraîner avec délices.

Inn Tidar, de Saïd Gharbi et Ali Salmi, au Bottelarij, à Bruxelles (mai) : dans un espace cubique et clos par des grilles de fer forgé, les danseurs évoquent, en mouvements, musiques et paroles, leurs pérégrinations entre le Maghreb et la Belgique. Force de l’interprétation, contrastes bien pensés des séquences et humour proche de l’autodérision se mêlent dans ce spectacle emballant et résolument aux couleurs du monde.

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