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Nomade du septième art

Troisième long métrage de Chloé Zhao, Nomadland a raflé la mise aux Oscars, repartant avec les trophées du meilleur film et de la meilleure réalisatrice. Un prix que seule une autre femme, Kathryn Bigelow, avait remporté auparavant. C’était en 2010, pour Démineurs.

La consécration déjà, pour son troisième long métrage à peine. En remportant, dans la nuit du dimanche 25 au lundi 26 avril, les Oscars du meilleur film et de la meilleure réalisatrice pour Nomadland (assortis de celui de la meilleure actrice pour Frances McDormand), Chloé Zhao est entrée, à même pas 40 printemps, dans l’histoire. Onze ans après Kathryn Bigelow, couronnée en 2010 pour Démineurs, la cinéaste chinoise installée aux Etats-Unis n’est jamais, en effet, que la seconde femme (et la première non blanche) sacrée dans la catégorie reine en 93 éditions des Academy Awards. Pas une surprise, à vrai dire, tant Nomadland faisait figure d’ultrafavori, au Lion d’or incontesté de la Mostra de Venise en septembre dernier étant venus s’ajouter les Baftas et autres Golden Globes, parmi les 230 prix glanés par le film à ce jour. Et encore moins un scandale: accompagnant une femme partie rejoindre les cohortes de nomades des temps modernes jetés sur les routes par la crise, pour dériver ensuite dans l’espace américain de petits boulots en emplois incertains, ce road movie porte un regard aiguisé sur le monde contemporain et sa réalité précaire, qu’il assortit d’un puissant appel de liberté.

SUR LA ROUTE – u0022Ayant grandi dans des villes en Chine et en Angleterre, j’ai toujours été profondément attirée par la Route – une idée que je trouve par essence américaine – , la recherche sans fin de ce qui se trouve au-delà de l’horizon. J’ai essayé d’en capturer un aperçu dans ce film, sachant pertinemment qu’il n’est pas vraiment possible de décrire la route américaine à quelqu’un d’autre. Il faut la découvrir par soi-même.u0022 Dans sa note d’intention à Nomadland.

Transcender la mythologie américaine

Originaire de Pékin, où elle est née en 1982, Zhao quitte la Chine à l’âge de 15 ans, quand ses parents l’envoient poursuivre ses études en Grande-Bretagne d’abord, aux Etats-Unis ensuite. Direction le Massachusetts, où elle étudie les sciences politiques au Mount Holyoke College, avant d’embrayer sur la production cinématographique à la Tisch School of Arts de New York, où elle compte Spike Lee parmi ses professeurs. Une poignée de courts métrages plus tard, la jeune réalisatrice passe, en 2015, l’épreuve du long, inscrivant Songs My Brother Taught Me dans les paysages arides du Dakota du Sud et de la réserve indienne de Pine Ridge, pour embrasser d’un regard quasi documentaire les existences cabossées de marginaux en rupture de rêve américain. Un tropisme que confirme, deux ans plus tard, The Rider, l’histoire d’un jeune champion de rodéo tentant de trouver un sens à son existence après qu’un accident tragique a refermé son horizon. Et un film dont la beauté crépusculaire achève de poser Chloé Zhao en cinéaste indépendante à suivre, statut confirmé de Cannes, où elle est primée à la Quinzaine et à Deauville, dont elle repart avec le Grand Prix.

Inspiré du roman éponyme de Jessica Bruder, Nomadland élargit sensiblement le spectre de son cinéma – le film est distribué par un studio, Searchlight Pictures, et c’est la première fois qu’elle travaille avec une star, fût-elle aussi atypique que Frances McDormand. Il témoigne aussi de son obsession récurrente pour les laissés-pour-compte, la cinéaste y arpentant les vallons tourmentés de l’existence, dans des étendues sublimées par la photographie de Joshua James Richards, le chef opérateur de ses trois longs métrages et son compagnon à la ville. Outsider par choix, Chloé Zhao a ancré son cinéma dans la mythologie américaine comme pour mieux la transcender. Son prochain projet la verra, du reste, explorer un autre pan de la culture états-unienne puisqu’elle se frottera, dans Eternals, à l’univers Marvel. En vraie nomade du septième art.

ELLE L’A DIT : SUR LA BONTÉ – « Les gens à la naissance sont intrinsèquement bons. J’ai toujours trouvé de la bonté chez les gens que j’ai rencontrés. Ce (prix) est pour quiconque a la foi et le courage de s’accrocher à la bonté en lui. » Lors de la cérémonie des Oscars 2021.

Nomadland sortira en salles dès la réouverture des cinémas.

Dates clés

1982

Naissance à Pékin.

1997

Etudes à Brighton, en Angleterre, avant de rejoindre les Etats-Unis.

2015

Premier long métrage, Songs My Brother Taught Me.

2021

Oscar de la meilleure réalisatrice et du meilleur film pour Nomadland.

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