Roma, d'Alfonso Cuarón, Lion d'or à Venise, une des grandes productions Netflix. © dr

Netflix bouscule le monde du cinéma

Banni à Cannes, plébiscité à Venise, le géant américain du streaming s’est rendu incontournable dans le paysage cinématographique.

Septembre 2015 : présenté à la Mostra de Venise, Beasts of No Nation, de Cary Fukunaga, consacrait l’arrivée de Netflix, le géant américain de vidéo à la demande, sur le terrain de la production cinématographique, le film connaissant une sortie confidentielle avant d’être exploité sur la plateforme. Trois ans plus tard, la donne a profondément changé, et le service de streaming, avec plus de 125 millions d’abonnés dans le monde, a su se rendre incontournable, attirant un nombre toujours croissant d’auteurs, des frères Coen à Martin Scorsese, non sans tenter d’imposer ses règles, en bousculant notamment la sacro-sainte chronologie des médias. De quoi provoquer quelques grincements de dents…

2018 restera ainsi comme l’année où Netflix, pourtant accueillie à bras ouverts douze mois plus tôt par Bong Joon-ho ( Okja) et Noah Baumbach ( The Meyerowitz Stories) interposés, s’est vue interdite de festival de Cannes, faute de garantie de diffusion de ses films en salle. Un bras de fer dont on ne sait trop qui est ressorti perdant au bout du compte, la plateforme rebondissant à Venise (qui n’en attendait pas tant) quelques mois plus tard, avec trois de ses productions sélectionnées en compétition. Et, cerise sur le gâteau, le Lion d’or pour Roma, d’Alfonso Cuarón, tandis que The Ballad of Buster Scruggs, des frères Coen, repartait avec le Prix du scénario. C’est dire si on ne pouvait rêver plus belle opération de prestige…

Paradoxalement, ce triomphe pose peut-être aussi les limites du modèle Netflix. Si les têtes de gondole y sont sans conteste ronflantes, elles cachent aussi ce qui a longtemps ressemblé à un désert cinématographique, les séries restant le terrain de production privilégié de la plateforme. Une donne qui semble en passe de changer, le catalogue s’étant enrichi récemment des Anon, d’Andrew Niccol, Outlaw King, de David Mackenzie (le réalisateur de l’excellent Hell or High Water), et autre Ils m’aimeront quand je serai mort, documentaire sur le tournage de The Other Side of the Wind, le film inachevé d’Orson Welles. En attendant The Irishman, de Martin Scorsese… De quoi attirer encore un surcroît de chalands. Et cela alors même que l’opérateur, en une stratégie visant sans doute à amadouer ses détracteurs voyant d’un très mauvais oeil le cinéma détourné de son support naturel, veille désormais à sortir certains de ses films en salles, fût-ce de manière limitée – ainsi, en Belgique, de 22 July, de Paul Greengrass, et de Roma, d’Alfonso Cuarón.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire