NE PAS CRAINDRE LE DÉBAT !

Paradoxalement, le choc du Brexit et la polémique autour du Ceta ont réanimé le débat sur l’Europe. Ils ont amené de simples citoyens, et pas seulement des responsables politiques ou économiques, à s’interroger sur l’importance de l’Union européenne et sur ses modalités de fonctionnement. Depuis des années, je n’avais plus entendu des personnes aussi diverses parler autant de l’Europe. En bien ou en mal… Cette curiosité nouvelle est une occasion de démarrer une large réflexion sur l’Union, qui analyserait son présent et envisagerait son avenir, qui s’appuierait sur ses réalisations et ses succès mais n’ignorerait pas ses faiblesses et ses échecs. Il est important que de nouvelles voix s’expriment, en particulier celles des jeunes générations dont l’engagement dans les affaires européennes a été jusqu’à présent plus limité.

Ce débat sera nécessairement une confrontation entre différentes visions de l’Europe. Il y a des euro-enthousiastes et des eurosceptiques dans tous les pays et toutes les générations. Aujourd’hui, il y a, en outre, des anti-Europe qui, non seulement critiquent les institutions européennes, mais remettent en cause les valeurs démocratiques et les libertés fondamentales. C’est notamment le cas en Hongrie et en Pologne, où les signes d’intolérance et de xénophobie se multiplient. Et, l’an prochain, les élections donneront l’occasion au FN en France, au PVV aux Pays-Bas et à AfD en Allemagne d’amplifier leurs messages anti-Europe et anti-étrangers.

Face à eux, ceux qui sont attachés à la construction européenne doivent faire entendre leur point de vue avec la même force et la même passion. Certes, dans un nouveau monde médiatique où la vérité et les faits comptent moins que la perception et les rumeurs, la confrontation risque d’être aussi rude que celle entre Clinton et Trump. Les pro-Europe doivent dire en termes clairs pourquoi l’Union européenne garde tout son sens, y compris dans sa motivation initiale : assurer la paix sur notre continent. Ce n’est pas inutile de le souligner au moment où la violence et la guerre font rage à quelques kilomètres de nos frontières. Ils doivent aussi expliquer sans détour que seule une action européenne intégrée permettra de relever quelques grands défis de ce siècle : la lutte contre le terrorisme et la criminalité à grande échelle, la transition énergétique, la soumission des multinationales à l’intérêt général, la résistance aux visées impérialistes de grands pays non européens… Aucun de ces combats ne peut être gagné par un pays agissant isolément. Les sondages indiquent qu’une large majorité des citoyens européens est prête à accepter ces deux arguments.

Toutefois, pour être crédibles, les euroenthousiastes doivent aussi reconnaître ce qui ne va pas dans le fonctionnement des institutions européennes et proposer les réformes nécessaires pour les rendre plus efficaces et plus transparentes. La  » bulle  » bruxelloise, perçue comme technocratique, arrogante et trop souvent coupée des réalités du terrain, est de plus en plus mal acceptée. Pour prendre des exemples dans l’actualité récente, la lenteur et la timidité de la réaction de la Commission dans les affaires Barroso et Oettinger ou la cacophonie qui a suivi le Conseil européen de Bratislava illustrent ce qui alimente l’euroscepticisme d’un nombre croissant de citoyens. Les euroenthousiastes doivent être aussi éloquents pour dénoncer ce qui ne va pas que pour souligner ce qui va bien.

philippe maystadt, Ministre d’Etat et membre de l’Académie royale de Belgique

La confrontation risque d’être aussi rude que celle entre Clinton et Trump

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