» Moscou ne tient aucun compte de l’Union « 

Père de l’indépendance recouvrée par la Lituanie et ancien président du pays, Vytautas Landsbergis est député au Parlement européen depuis 2004. Il analyse ici les relations difficiles entre la Russie et l’UE.

La Russie de Vladimir Poutine est-elle une menace pour l’Union européenne (UE) ?

E La menace vient du manque de solidarité entre Etats membres et des erreurs de perception de l’Union elle-même – qui se berce d’illusions, surtout lorsqu’il s’agit de la Russie. La mésentente qui règne entre les Vingt-Sept est, en partie, provoquée par l’influence qu’exerce Moscou, avec pour résultat l’incapacité où nous sommes d’adopter une position commune. La Russie ne tient aucun compte de l’UE et celle-ci l’accepte. Lorsque les Etats membres reçoivent, à titre individuel, telle ou telle proposition venant de Moscou, ils n’essaient même pas de se mettre d’accord pour savoir quelle est la meilleure alternative : se consulter d’abord entre eux avant de donner suite ; ou bien se précipiter joyeusement sur l’appât russe, se faisant ainsi complices de la désintégration de l’UE voulue par Moscou.

Certains des Vingt-Sept se montrent-ils trop complaisants ?

E C’est très visible. Il y a quelques années, le syndrome  » Russie avant tout  » se manifestait avec plus de force, conduisant ainsi l’Europe à ignorer le génocide tchétchène. Mais, aujourd’hui encore, il y a une bonne dose d’admiration pour cette grande créature, seulement parce qu’elle est grande. Un tel sentiment est amplifié chez le plus faible par la conscience qu’il a de sa dépendance.

Percevez-vous l’influence de lobbyistes prorusses auprès des institutions européennes ?

E Elle se ressent lorsque des élus ou des représentants européens reprennent à leur compte des expressions toutes faites et des arguments russes. Certains d’entre eux agissent par complaisance instinctive, d’autres par conformisme, afin d’échapper à leur malaise psychologique ; d’autres enfin au nom d’intérêts financiers et commerciaux connus de tous – et qui sont parfois d’ordre personnel.

Faut-il s’attendre à des représailles en réponse à l’indépendance du Kosovo ?

E D’une manière ou d’une autre, la vengeance se manifestera. La Russie a un objectif très précis lorsqu’elle attise la colère de Belgrade. Elle veut arrimer fermement la Serbie à Moscou, mais cela pourrait aller bien au-delà.

Y a-t-il un lien entre la prospérité financière de la Russie et son attitude à l’égard des Occidentaux ?

E Les dirigeants russes qui disposent désormais de capitaux mirobolants ont, semble-t-il, la tête qui tourne. Sinon, il serait difficile d’expliquer leur politique anti-occidentale. Car, d’ici peu, la Chine sera leur problème majeur. Dès lors, se brouiller avec l’Occident est une sottise.

Selon un quotidien lituanien, Vilnius passerait au Kremlin pour l' » avant-poste n° 2 de l’extrémisme antirusse après Londres  » et les services secrets de Moscou chercheraient à vous nuireà

E Ces mêmes services s’occupaient déjà de ma réputation à l’époque soviétique, du moins à partir de 1989-1990. Dans un livre intitulé  » Le KGB en Norvège « , un ancien  » résident  » de cet organisme à Oslo, Mikhaïl Butkov, a révélé les instructions – mises en application – qu’il recevait de ses supérieurs pour me discréditer. Si quiconque à Moscou compare Vilnius à Londres, il faut s’inquiéter de qui sera empoisonné en Lituanie et des institutions culturelles du pays qui seront éliminées. De telles actions, bien entendu, seraient des menées extrémistes dirigées contre la Russie… l

(1) Voir Un peuple sort de prison, 2007, éd. Fondation Robert Schuman.

Propos recueillis par Sylvaine Pasquier

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