Morte, la Volksunie ?

* journaliste

Elle a disparu, mais non pas ses nombreux successeurs : en Flandre, la Volksunie a fait exactement ce qu’ont fait les héritiers politiques du Rassemblement wallon de François Perin et de Paul-Henri Gendebien, qui ont propagé le message du RW en Wallonie.

Gendebien envoyait ses disciples dans les grands partis, parce qu’il savait que la seule utilité d’un petit parti consiste à mettre un point (la réforme de l’Etat, par exemple) à l’ordre du jour chez les grands. Loin de lui l’idée de tout réaliser par lui-même. Jean Gol et Etienne Knoops ont réussi très vite à influencer suffisamment le vieux parti libéral unitaire et  » belgicain  » pour qu’il accepte le principe d’une plus grande autonomie des Régions. Le Parti socialiste s’était déjà engagé dans cette voie et l’ancien membre du RW Robert Moreau frayait le chemin au régionaliste d’apparence extrémiste José Happart. Même si Guy Spitaels enrôlait surtout Happart pour le neutraliser et pour accaparer son potentiel de voix aux élections, il est certain qu’avec et après Happart l’option régionaliste avait été acceptée au PS. Qu’Elio Di Rupo freine actuellement la poursuite de la régionalisation est uniquement la conséquence de la mauvaise situation économique de la Wallonie. Le retour de Di Rupo au  » belgicisme  » est une solution provisoire. Au PSC aussi, des ex-membres du RW déterminaient la nouvelle conduite, encore que cela fût moins manifeste qu’au MR ou au PS.

La Volksunie a été fondée en 1954. Le président Frans Van der Elst, un de ses principaux fondateurs, notait en 1974, dans un aperçu historique à l’occasion des vingt ans du parti, que, grâce à la Volksunie,  » le nationalisme flamand avait défait le nationalisme belge « . Il voulait dire que les autres partis flamands avaient pris à leur compte les objectifs de la Volksunie quant à la réforme de l’Etat. Cela valait surtout pour le CVP de l’époque, qui, sous les Premiers ministres Leo Tindemans et Wilfried Martens, a réalisé une grande partie du programme de la Volksunie. Il s’ensuivit naturellement que l’heure de l’exode de la Volksunie avait sonné, dans deux directions : l’une plus radicale et l’autre plus opportuniste.

Parmi la première catégorie, Karel Dillen quittait le parti pour fonder le Vlaams Blok (après la fusion avec un autre groupe dissident de la Volksunie, mené par Lode Claes). Karel Dillen voulait la proclamation d’une république flamande indépendante, mais siégeait, deux législatures durant, tout au fond de la Chambre, où, vieux monsieur affable, il ne se faisait jamais remarquer. La réforme de l’Etat était suffisamment prise en charge par les autres partis flamands. C’est seulement après qu’une nouvelle génération eut  » découvert  » le thème du racisme que commença, pour le Blok, une effarante marche victorieuse, fondée sur le racisme, non sur la réforme de l’Etat.

Les opportunistes de la Volksunie abandonnaient alors le parti et s’en allaient en sens divers. Jaak Gabriëls, ancien président, Bart Somers, futur ministre-président, et d’autres encore rejoignaient le VLD, suivis par Jef Valkeniers et Hugo Coveliers, et plus tard par une nouvelle génération : Patrik Vankrunkelsven, Annemie Vandecasteele, Sven Gatz. L’exode vers le SP et le CVP (nous employons les anciennes dénominations) a été û et demeure û plus compliqué. Vis-à-vis du SP, Bert Anciaux a joué un rôle crucial en fondant Spirit qui est attaché au SP.A en tant qu’entité distincte (comme le MCC au MR). Les aînés influents du parti passaient chez Spirit : Vic Anciaux, Hugo Schiltz, Paul Van Grembergen. A Bruxelles, le clan Anciaux est parvenu à faire  » payer  » lourdement aux socialistes classiques l’hospitalité qu’ils lui ont offerte. Spirit constitue pratiquement à lui seul tout le groupe SP.A-Spirit au parlement bruxellois. Le même scénario (mais portant sur moins de mandats) s’est produit après que Geert Bourgeois et sa N-VA se sont alliés au CD&V L’hospitalité des partis traditionnels à l’égard des anciens membres de la Volksunie a plutôt été dictée par la naïveté qu’inspirée par la sagesse, et il semble qu’Anciaux et les siens doivent leur succès davantage à la bonne planification de leurs carrières qu’au manque que leur absence ferait ressentir.

La Volksunie est morte depuis longtemps mais ses héritiers sont bien vivants.

Par GUIDO FONTEYN *

Les héritiers du défunt parti nationaliste sont plus puissants que jamais

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