Monsieur Couleur Café

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

« En 1990, la première édition de Couleur Café, aux Halles de Schaerbeek, a rassemblé 5 500 personnes en trois jours. Le budget devait être autour de 2,5 millions de francs belges de l’époque, aujourd’hui, on parle plutôt de 3,5 millions d’euro. Patron de festival, c’est devenu un vrai métier.  » Patrick Wallens, 52 ans, a toujours une légère allure guévariste, peut-être due à la casquette simili-cubaine ou au tee-shirt d’un festival créé il y a vingt et un ans.  » Je suis toujours teinté de l’idée de fonder un projet communautaire, d’accorder autant d’importance à la programmation qu’à l’accueil, de penser à l’humain « , dit-il dans un resto à deux pas du QG de Couleur Café installé dans une petite maison du sud de Bruxelles.

A moins de trois semaines de l’événement, la pression monte, quelques milliers d’entrées pouvant faire rougir les pertes ou déclencher un bénéfice :  » Si on est toujours resté une ASBL, c’est sans doute parce que devenir une structure ouvertement commerciale risquerait de changer radicalement l’esprit sain, positif, de l’entreprise, une PME qui emploie 8 personnes à l’année. Au lieu de mettre les tickets à 35 euros par jour en prévente – le prix d’un bon concert à l’Ancienne Belgique – on pourrait les pousser à 38 ou 40 et s’assurer de faire du boni. « 

Des têtes d’affiche à 130 000 euros

Ne vous y trompez pas : Wallens, père de deux enfants, formé au socio-cul, n’est ni un bab’ reconverti bobo [il roule en combi VW] ni un fumeur utopique de rêves festivaliers. La réalité du marché est là : flambée des cachets des têtes d’affiche – jusqu’à 130 000 euros pour celles de Couleur Café -, compétition auprès des agences qui vendent au meilleur offrant et puis annonces mirobolantes suivies de défections tout aussi raides. Dernier exemple en date, Wyclef Jean, ex-Fugees, un moment pressenti pour l’élection présidentielle d’Haïti. Officiellement annoncé à l’édition 2011, il est démenti quelques semaines plus tard :  » Si une tournée annoncée ne s’avère pas rentable, elle peut parfaitement s’annuler. On se pose d’ailleurs beaucoup de questions sur la nécessité des têtes d’affiche, cette année, on pratique beaucoup les groupes  » middle « , Puggy, Sergent Garcia ou Patrice. Ce n’est jamais obligatoire de grandir, mais il y a une pression de la part du public, de l’équipe, des sponsors, aussi pour développer des choses comme l’expo Couleur Café (cette année, sur le thème Croyances et religions). « 

Parmi les choses qui rendent Couleur Café unique dans cette catégorie de moyens grands festivals – 75 000 spectateurs sur trois jours : la qualité de l’accueil, moins militaire que chez la plupart de ses contemporains. Comme si l’idée du village global rassembleur – 4 250 personnes, artistes compris, y travaillent – n’était pas un leurre. Pour s’assurer que rien n’est jamais gagné, qu’un festival ne peut éternellement ronronner dans ses atours, il y a ce futur déménagement du site Tour & Taxis – où des constructions s’annonçent – pour le parc d’Osseghem, à un jet de l’Atomium.  » Il y a encore quelques semaines, le déménagement semblait certain pour 2012, finalement, cela pourrait l’être pour 2013. Quoi qu’il en soit, ce sera lié au même challenge, surprendre le public…  » –

Du 24 au 26 juin sur le site Tour & Taxis, à Bruxelles, avec, entre autres, Seal, Ziggy Marley, DJ Shadow, Puggy, Selah Sue, Tiken Jah Fakoly, IAM. www.couleurcafe.be

PHILIPPE CORNET

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