Mollahs contre mollahs

Manière forte ou souplesse politique ? Face aux ambitions nucléaires de l’Iran, l’Europe et les Etats-Unis hésitent. Leur inquiétude est justifiée car, si la République islamique se dotait de la bombe, ce n’est pas seulement qu’un pays instable, imprévisible et dont le président vient de renouer avec les appels à  » détruire Israël  » deviendrait une menace pour la stabilité internationale. C’est aussi que l’Arabie saoudite, l’Egypte, voire la Turquie, pourraient se sentir défiées par cette modification des rapports de forces régionaux, vouloir relever le gant et que tous les efforts d’endiguement de la prolifération seraient alors réduits à néant.

C’est là qu’est le plus grand danger. Il est d’autant plus réel que les dirigeants iraniens s’échinent à accroître l’inquiétude en refusant toute mesure de confiance. Soit qu’ils veuillent faire monter les enchères pour mieux négocier un renoncement, soit qu’ils veuillent vraiment franchir le pas, soit encore qu’ils ne le sachent pas eux-mêmes, ils repoussaient toujours, en milieu de semaine, une proposition de Moscou d’enrichir leur uranium sur le sol russe, sous contrôle, donc, de sa finalité.

Comme si rien n’était plus important pour eux que de maintenir l’opacité sur leurs intentions, ils prenaient le risque de s’aliéner l’appui du Kremlin, qui voudrait à la fois conserver un client à son nucléaire civil et s’affirmer en intermédiaire incontournable de la scène internationale.

Ce n’est en rien rassurant, mais, pour autant, que faire ?

Pas plus en Europe qu’aux Etats-Unis le débat n’est tranché, car la manière forte, l’imposition de sanctions économiques par le Conseil de sécurité, ne va pas de soi. En admettant même que la Chine et la Russie finissent par y consentir, leur efficacité n’est pas prouvée.

L’Iran dépend, certes, de ses exportations pétrolières. Il a, certes, besoin de s’intégrer à l’économie mondiale pour pouvoir répondre aux attentes sociales de sa population, mais le monde a tout autant besoin de pétrole et nul ne souhaite favoriser une nouvelle envolée des cours. L’arme des sanctions est à double tranchant et, si elles ne donnaient pas de résultats, il ne resterait que l’option militaire, difficilement envisageable après l’aventure irakienne.

Le sang-froid s’impose. Il ne faut pas, déjà, courir aux extrêmes, négliger les contradictions internes de l’Iran, oublier que la révolution islamique a un quart de siècle, que ce pays aspire à l’ouverture et au bien-être, qu’il a été à deux doigts d’élire, en juin dernier, un homme dont la campagne prônait la réconciliation avec les Etats-Unis et qu’un intégriste pur et dur, Mahmoud Ahmadinejad, n’a pu l’emporter qu’en promettant aux plus pauvres de raser gratis.

Lancé dans des purges massives, cet homme inquiète désormais plus encore à Téhéran qu’en Occident. Même les courants les plus conservateurs du régime le contestent, allant jusqu’à voter contre lui au Parlement.

Il n’est pas temps de troquer la carotte et le bâton contre un bâton mouillé. l

Bernard Guetta

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