Mars : de l’eau, et après ?

Les dernières explorations confirment la présence de glace. Mais nulle trace, pour l’instant, de la moindre forme de vie

L’eau est source de vie. Or il y a de la glace sur Mars. Donc, Mars abrite la vieà Si limpide soit-il, ce syllogisme ne peut avoir force de loi. En ce début d’année propice à l’exploration spatiale, l’enthousiasme communicatif des scientifiques nous ferait presque oublier cette durable évidence : rien ne prouve que la Planète rouge recèle ou ait recelé le moindre organisme vivant. De même, l’annonce de l’existence d’eau gelée au pôle Sud par la sonde Mars Express n’a rien d’une nouveauté. En 1672, le Néerlandais Christiaan Huygens fut le premier à esquisser un dessin de la brillante calotte polaire. Trois siècles plus tard,  » grâce à un instrument exceptionnel, le spectromètre Omega, couplé à une caméra, nous ne faisons que quantifier l’étendue de cette glace. Rien de plusà « , admet Agustin Chicarro, directeur scientifique du projet martien à l’Agence spatiale européenne.

L’eau sur Mars a toujours fasciné les astronomes, au point parfois de faire vagabonder leur imagination. Lorsque Giovanni Schiaparelli distingue, en 1877, des  » canaux « , certains les interprètent comme des constructions artificielles pour irriguer les régions arides de la Planète rouge. Le mythe d’une civilisation ancienne à quelque 60 millions de kilomètres de nous était né. Depuis, les petits hommes verts ont plutôt tracé leurs sillons dans les champs de la littérature ou, plus récemment, au cinéma. Côté science, les premières missions d’exploration par des sondes ont conclu à une réalité plus prosaïque. En 1965, les photos transmises par Mariner 4 évoquent non pas la richesse d’une nouvelle Terre, mais l’aridité d’une autre Lune. Immense déception. Dix ans plus tard, les Etats-Unis envoient deux atterrisseurs, les fameux Viking. Verdict sans appel : la surface martienne est définitivement stérile.

Si elle semble morte, Mars révèle pourtant un relief d’une étonnante variété (cratères, bassins, canyons, etc.), probablement façonné par d’immenses quantités d’eau. Cette planète possédait ainsi, il y a plusieurs milliards d’années, une atmosphère plus dense et un climat proche du nôtre. Bref, s£ur jumelle de la Terre, elle aurait abrité les conditions nécessaires à l’apparition de la plus petite forme d’existence bactérienne. A partir de ce fragile postulat, les spécialistes espèrent qu’en trouvant aujourd’hui des traces de minéraux qui n’ont pu se former qu’en présence d’eau (comme de l’hématite ou du carbonate), voire des fossiles de bactéries, les deux rovers américains Spirit et Opportunity valideront la théorie d’une vie passée sur la surface martienne. Une découverte sans commune mesure, qui  » nous permettrait de lever un voile sur le mystère de nos propres origines « , s’enthousiasme François Costard, expert en géomorphologie planétaire (1). Parce que, contrairement à la Terre, où la tectonique des plaques a englouti tous les vestiges d’un passé antérieur à 3,5 milliards d’années, la Planète rouge n’a pas connu de mouvements internes aussi intenses.

L’enjeu de l’eau n’a pas qu’une dimension historique. Depuis quelques années et avec l’épopée de la sonde Mars Odyssey, qui avait détecté de l’hydrogène, les géologues de l’espace soupçonnent le sous-sol martien de renfermer de l’or bleu sous forme liquide. Avec son corollaire : la possibilité, à nouveau, de trouver des organismes vivants. Au mois d’avril, lorsque son radar altimétrique, Marsis, aura déployé ses antennes, la sonde Mars Express apportera un début de réponse. Ses ondes scruteront les cinq premiers kilomètres de la croûte martienne pour quantifier ses nappes aquifères. Il faudra cependant attendre une autre mission robotisée, avec un atterrisseur muni d’un sismomètre, d’un magnétomètre et d’un radar, pour prouver l’existence de telles réserves. Alors, seulement, les scientifiques pourront envisager l’envoi d’une expédition humaine vers Mars, chargée d’y creuser un véritable puits.

(1) Auteur de La Planète Mars. Histoire d’un autre monde, Belin/Pour la science.

Bruno D. Cot

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