Marie-Claude Pietragalla, femme multiple

Danseuse étoile de l’Opéra de Paris, ex-directrice du Ballet national de Marseille, la chorégraphe dirige avec Julien Derouault le Théâtre du corps. Et nous régale avec un magnifique solo, La Tentation d’Eve.

Le Vif/L’Express : Que va-t-on voir sur scène ?

Marie-Claude Pietragalla : L’idée est venue en 2010, pendant la création de Marco Polo, projet commandé par Pierre Cardin. C’était un voyage poétique sur la route de la soie, mêlant les arts martiaux, le cirque, le chant, le hip-hop et la danse contemporaine. Après cette épopée, j’avais envie d’un travail plus recentré et plus intime. A travers différents tableaux, je parle de l’énergie féminine et des multiples facettes de la femme, cette Eve que nous portons toutes en nous. Dissimulée dans notre inconscient, elle se révèle tour à tour créatrice, inspiratrice, mystique ou guerrière. Ce ne sont pas des sketchs, il y a un fil conducteur, le travail est construit et millimétré. Pour avoir un contre-point masculin, Daniel Mesguich lira des textes de trois femmes poétesses. Le spectacle n’est pas militant, je présente l’image de la femme multiple. Je pose uniquement des questions, à chacun de trouver sa propre lecture.

Vous avez définitivement pris vos distances avec la danse classique. Pourquoi ?

C’est un choix par rapport au travail chorégraphique et à la gestuelle que je voulais plus contemporains. La technique classique m’a donné beaucoup de satisfactions, elle est imprégnée en moi. Je l’utilise encore, consciemment ou inconsciemment, mais c’est vrai que j’ai tiré un trait. J’ai envie de créer des sujets plus sociétaux. Cela dit, la danse classique n’est ni dépassée ni démodée. Elle existe, elle a son histoire et son patrimoine, et elle aura toujours un public. La danse classique fait appel à un répertoire déjà écrit et inscrit, elle offre moins de possibilités de vraie création et je n’ai pas envie de relectures en ce moment.

La danse contemporaine serait dans une impasse. Votre avis ?

Je suis d’accord. A une époque, on voulait casser les codes, redistribuer les cartes et réinventer la danse, en faire une danse expérimentale qui supprime la technique et l’esthétisme. A partir du moment où le discours devient gratuit, cérébral et abscons, le public déserte les salles. La volonté de vouloir choquer, d’entrer dans le livre des records, toute la mouvance de la non-danse, ça a fait beaucoup de tort à la danse. L’absence de sauts et de pirouettes, c’est insultant pour les danseurs. Certains chorégraphes ont confondu la performance avec le spectacle vivant. Je ne considère pas les danseurs comme des  » objets  » dans l’espace. Le Théâtre du corps que je dirige s’appuie toujours sur un fond et un propos solides. Nous sommes dans l’art du sensible, dans le charnel et dans l’humain.

Vous avez un partenariat avec le Nord-Pas-de-Calais. De nouveaux projets en vue ?

Oui. La région connaît un formidable développement culturel dans lequel nous voulons nous impliquer. En décembre 2012, on va inaugurer à Lens une  » antenne  » du Louvre. Le maire nous a proposé d’ouvrir une école du Théâtre du corps dans le bâtiment de la Banque de France qui sera entièrement réhabilité. L’école sera ouverte sur toutes les formes du mouvement et de l’expression corporelle. Nous ferons venir la musique, la peinture, le théâtre et le cirque. Le Nord, ça nous plaît énormément.

Votre parcours est éclectique et brillant. Que vous manque-t-il ?

J’ai envie de pousser les portes. L’opéra, le théâtre et l’£il de la caméra m’intéressent. Je voudrais trouver une forme où le corps se mélange au texte. Je suis curieuse de plein de choses. On est là pour apprendre, pour s’enrichir. Dans la vie, il faut être toujours émerveillé !

La Tentation d’Eve, 27 et 28 avril, Cirque royal, www.ballets.be

ENTRETIEN : BARBARA WIT

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