Magnus electronicus

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Tom Barman, de dEUS, projette ses fantasmes pop et funk dans l’électroni- que du DJ Christian Jay Bolland : cela donne un album signé Magnus

CD The Body Gave You Everything, chez Universal.

Sur la pochette nocturne du premier album de Magnus, on voit Tom Barman coiffé d’un Stetson noir alors que son comparse Bolland, drapé dans une veste aux lignes british, donne l’impression de vouloir sortir du cadre. Entre eux deux, une jeune fille semble envoûtée par une danse-fantôme. Métaphoriquement parlant, la couverture de The Body Gave You Everything porte déjà en elle tous les ingrédients de la cuisine de Magnus : le plaisir un peu trouble des corps livrés à  » l’electronica  » et la dualité explosée entre Barman et Bolland.

Le CD commence par Rhythm Is Deified, qui ordonne la transe des sequencers sur des guitares et des claviers plutôt funky. Au suivant Summer’s Here, les vocaux dessinent des wouhou sensuels salement destinés à vous faire danser. Même sentiment sur French Movies, introduit par une voix féminine française, réminiscence d’un vieux tube de Visage des années 1980. Barman lui-même prend le relais vocal pour le refrain :  » Je crois, je suis, je chante encore/Tu vis ta vie et tu t’en sors.  » Ainsi, chacune des onze plages du disque de Magnus possède son propre caractère, comme du  » JJ Cale mis à la sauce Kraftwerk  » (dixit Barman), avec des éclairs mélodiques qui rappellent le talent de compositeur du leader de dEUS.

Le grand atout du disque – marqué par une certaine ironie  » gainsbourgienne  » – est d’échapper à toute linéarité. Chaque morceau constitue une aventure sonique qui porte l’electro jusqu’à ébullition, réchauffant les vocoders dans la braise rock. Magnus donne, par exemple, à un morceau plutôt drum’n’bass comme Soft Foot Shuffle un grain mélodique inhabituel dans ce style de musique.  » Magnus n’est pas l’un de ces projets que l’on fait entre deux albums  » sérieux  » pour passer un peu de temps, explique Barman, mais une véritable rencontre entre deux musiciens, y compris dans les  » batailles  » que l’on mène chacun en studio pour faire respecter son propre point de vue, sans le diluer.  » A entendre Barman expliquer le processus de création, on comprend mieux pourquoi il refuse l’idée d’un disque  » fusion  » : Magnus tient davantage du moteur à explosion…

Entre le musicien de dEUS et le DJ Christian Jay Bolland, il n’y a pas seulement un âge similaire – la trentaine – et des racines extra-belges (norvégiennes pour Barman, anglaises pour CJ), mais aussi le désir de sortir de leurs habituelles formes musicales. Sans être des superstars, tous deux ont déjà fréquenté le succès bien au-delà de la Belgique : Bolland a remixé des titres pour The Prodigy, Tori Amos ou Orbital et a décroché ses propres hits electros ( Sugar Is Sweeter). Il a également produit le dernier single en date de dEUS, le mélancolique Nothing Really Ends, sorti en 2001. Barman a construit un groupe puissamment original – dEUS -, tourne depuis 2000 en duo acoustique avec le pianiste Guy Van Nueten, et a sorti son premier long-métrage, Any Way the Wind Blows, en 2003.

Réaction en chaîne

L’enregistrement de Magnus s’est donc fait au gré d’emplois du temps surchargés, mais toujours avec le désir de créer  » une musique branchée sur le corps, qui mette aussi de bonne humeur « . Une volonté hédoniste nourrie des cultures respectives de Barman et Bolland, ce dernier, fils d’une mère DJ qui aimait autant The Cramps que le funk ou la disco. Barman, fan de songwriters à la Joni Mitchell ou JJ Cale, a pratiqué le chemin inverse, commençant à faire des sets de DJ lorsque dEUS lui en laissait le temps.  » Magnus n’est pas une combinaison de deux mondes, mais la tentative de créer une nouvelle entité musicale avec, toujours, la présence du facteur dance « , précise Barman.  » Je pense aussi qu’il existe des chaînes, des familles de disques : de la même façon que Japan m’a amené à David Sylvian et Sylvian à quelqu’un d’autre, il est possible que dEUS emmène à Magnus qui, à son tour, donnera envie à l’auditeur de découvrir d’autres productions.  » Dans cette réaction chimique en chaîne que provoque la musique, Magnus pourrait bien être la nouvelle étincelle de l’année 2004. Idéale pour patienter jusqu’au prochain dEUS, annoncé à la rentrée de septembre et donné comme plus  » funky  » qu’auparavant…

Philippe Cornet

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