L’urgence d’agir

(1) Du terrorisme et de ceux qui l’exploitent (Bayard).

Du 8 au 10 juin, à Sea Island, dans l’Etat américain de Géorgie, les pays les plus développés du monde, réunis au sein du G 8, risquent, une fois encore, d’offrir au reste de la planète le double spectacle de leur richesse et de leur incurie. Les dirigeants des nations les plus prospères ne semblent pas avoir conscience des périls qui les menacent ni de l’urgence qu’il y a maintenant à agir. Une équation économique édifiante devrait pourtant les obséder : d’une part, la richesse mondiale ne cesse d’augmenter ; d’autre part, la pauvreté ne recule pas. Certes, les Huit vont, une fois de plus,  » blablater  » sur le sujet et même prendre, enfin, une décision concrète : on les dit décidés à trouver un moyen de réduire les coûts de transfert des 100 milliards de dollars que les travailleurs immigrés renvoient chaque année dans leur pays d’origine. Si cette manne enfin bonifiée est une source de financement importante pour les pays en développement, elle ne suffira pas, loin de là, à enrayer un processus qui favorise la haine croissante envers l’Occident. Sans aide publique massive aux nations les plus défavorisées, la précarité deviendra un danger majeur, tant elle est source de révoltes. Sur le tableau de bord de la misère, les statistiques sont affolantes. Dans un livre d’une grande lucidité consacré au terrorisme (1), l’ancien ambassadeur d’Israël à Bruxelles Avi Primor en donne ce résumé saisissant :  » Le monde compte aujourd’hui 6 milliards d’habitants. Selon un rapport de la Banque mondiale, 2,8 milliards d’entre eux vivent avec moins de 2 dollars par jour. Sur 100 nourrissons, 6 ne fêteront pas leur premier anniversaire, 8 n’atteindront pas l’âge de 4 ans. 9 garçons et 14 filles ne verront jamais une école de leur vie. Dans les vingt-cinq ans à venir, la population va augmenter de 2 milliards d’êtres humains : 97 % d’entre eux naîtront dans des pays du tiers-mondeà  » A ces données on pourrait ajouter des chiffres sur la pollution, la malnutrition, la santé. Faut-il encore préciser que l’Afrique se transforme, elle aussi, en bombe à retardement ? Dans dix ans, elle comptera 1 milliard d’habitants, dont 800 millions auront moins de 20 ans, pas d’emploi et moins de 1 euro par jour. Face à cette situation explosive, l’aide au développement ne progresse guère : elle plafonne, aujourd’hui, autour de 60 milliards de dollars, quand les seules dépenses militaires américaines sont proches des 1 000 milliards. Les pays les plus florissants ne sont, certes, pas responsables de toute la misère du monde, mais la prospérité crée des devoirs envers ceux qui en sont exclus. Des aides mieux ciblées que par le passé peuvent arracher à leur désespoir et faire entrer dans le cercle vertueux du développement et de la démocratie bien des pays du tiers-monde. Les exemples indien et asiatiques montrent que cette perspective n’est pas de l’utopie. Faute d’un tel effort, qui démontrerait que la richesse n’est pas l’apanage de quelques nations privilégiées et que nos sociétés ont une véritable influence émancipatrice, le fanatisme et le terrorisme se développeront bien au- delà du monde arabe et deviendront notre effroyable quotidien.

Denis Jeambar

La prospérité crée des devoirs envers ceux qui en sont exclus

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