Lourd bilan

Le compromis arraché à Washington le week-end dernier devait éviter aux Etats-Unis de se trouver en défaut de paiement. Mais il ne rassure pas sur leurs perspectives économiques.

Mardi noir ? Annoncé pour le 2 août, l’Armageddon financier en cas de défaut de paiement des Etats-Unis a pu être évité de justesse. Les chefs républicains et démocrates de la Chambre des représentants et du Sénat, ainsi que la Maison-Blanche ont trouvé un accord a minima susceptible de remporter l’adhésion de leurs troupes divisées. Ce plan de dernière minute devait permettre de sauver la face de l’Oncle Sam et d’éloigner le spectre d’une panique boursière généralisée. Un léger soupir de soulagement était perceptible lundi sur les marchés financiers. Mais de triomphalisme, point : les observateurs soulignaient plutôt la faiblesse du compromis laborieusement négocié sur Capitol Hill.

Ce qui devait être un grand marchandage pour régler à long terme le problème du déficit américain ne fait que repousser le problème. L’accord prévoit en effet un mécanisme en deux temps : le plafond de la dette sera immédiatement relevé de près de 1 000 milliards de dollars en échange de coupes budgétaires à peu près équivalentes. Un relèvement supplémentaire de 1 500 milliards est prévu, tandis qu’une commission spéciale devra trouver les économies correspondantes. Le tout permettant au Trésor américain de tenir jusqu’en 2013. Sans hausse d’impôts.

Loin d’être une solution miracle, ce compromis n’est rien d’autre qu’un cautère sur une jambe de bois. Les coupes budgétaires requises pourraient bien ralentir la difficile reprise outre-Atlantique, alors qu’elles sont loin d’être suffisantes pour remettre les finances américaines d’aplomb. Avec une économie très affaiblie par la dernière récession, réduire les dépenses publiques subitement pourrait se révéler suicidaire, raison pour laquelle Barack Obama veut repousser à l’année prochaine les premières coupes budgétaires et échelonner leur mise en £uvre.

La note souveraine des Etats-Unis reste menacée

Si les Etats-Unis se retrouvent à l’abri d’un défaut de paiement, la note de leur dette souveraine risque fort de souffrir de la guerre politique livrée à Washington. L’accord trouvé est  » un non-choix « , affirme Evariste Lefeuvre, chef économiste de Natixis North America à New York.  » D’une part, il est difficilement applicable dans la mauvaise conjoncture actuelle. D’autre part, il n’entraîne aucune réforme structurelle à long terme. Du coup, il existe une grande probabilité pour que la note américaine soit détériorée « , prévient-il. Pour autant, cette dégradation de la note, de triple A à double A, ne serait pas insurmontable, selon lui.  » La plupart des détenteurs de bons du Trésor américain, fonds de pensions et banques centrales, n’ont pas vraiment d’autre solution. Cela pèsera sur la réputation des Etats-Unis et du dollar à long terme, mais ce n’est pas dramatique. « 

Pour l’économiste Ken Goldstein, du Conference Board, la crise de 2008 a marqué un tournant dans l’histoire de la première puissance économique mondiale. Les Etats-Unis émergent de manière chaotique de la récession, comme en témoignent les chiffres du PIB publiés le 29 juillet, inférieurs aux prévisions (1,3 % seulement de croissance au deuxième trimestre). Une cure d’austérité pourrait faire plus de mal que de bien, estime le Nobel d’économie Paul Krugman.  » Ceux qui demandent des coupes dans les dépenses publiques sont comme les médecins du Moyen Age qui soignent les malades en les saignant, et en conséquence aggravent leur mal.  » Les plus pessimistes n’hésitent pas à évoquer le scénario du  » double dip « . Après le spectre du mardi noir, celui de la rechute.

CORRESPONDANCE; STÉPHANIE FONTENOY

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