L’oeil de Sarkozy

L’ancien préfet de police de Paris organise la vie d’après de Nicolas Sarkozy. Il est son premier collaborateur, mais aussi, par ses contacts, un informateur privilégié.

Il assiste à un déjeuner entre Nicolas Sarkozy et Yasmina Reza, l’écrivain qui transforma la campagne de 2007 en moment de littérature ; accompagne l’ancien président, reçu à Moscou par Vladimir Poutine, en novembre 2012 ; s’est mis à lire Les Echos, ce qui n’est pas forcément dans les habitudes des policiers. Pourquoi voulez-vous qu’à 64 ans, Michel Gaudin, ex-directeur général de la police française et ex-préfet de police de Paris, ne commence pas une nouvelle carrière ?  » Dès lors que j’ai retiré ma casquette, mon cerveau reprend une taille normale « , confie le haut fonctionnaire devenu directeur du cabinet de l’ancien président de la République. Rectificatif : ce cabinet, à l’ambiance quasi familiale, n’en est pas vraiment un, ce Sarkozy n’est pas vraiment un ancien président, tant il demeure actif.  » Cela me rappelle le temps où j’étais secrétaire général du préfet de Loir-et-Cher  » (centre de la France), lance parfois Gaudin.  » Pas sûr que Nicolas prendra très bien la comparaison !  » plaisante un ami de Sarkozy.

On n’endort pas un grand flic qui veille. Michel Gaudin surveille. Il n’a jamais pardonné au ministre français de l’Intérieur, Manuel Valls, et à celui qui lui a succédé à la préfecture de Paris, Bernard Boucault, la manière dont il a été congédié. Sommé de dégager dans les plus brefs délais, sans même avoir le temps d’organiser proprement  » un pot de départ « . Mais on ne se débarrasse pas si vite de son passé : il reste un homme particulièrement informé. Et méticuleux. Dans le placard de son bureau, des dossiers bien rangés. Il ne l’avoue pas, mais ses contacts dans la sphère policière lui permettent de récupérer les statistiques de la délinquance bien avant qu’elles ne soient rendues publiques – il peut ainsi donner son avis d’expert, par exemple à Valérie Pécresse, chef de file de l’opposition dans la région Ile-de-France. Il n’ignore rien non plus des mouvements du ministère de l’Intérieur.

Beauvau a vérifié qu’il ne jouait pas le conseiller d’Etat fictif

Concession en forme de litote :  » Ce serait étonnant que je ne connaisse pas tout le monde dans la police, où j’ai passé tant d’années.  » Il a été oublié dans la liste des invités aux obsèques nationales des deux policiers tués en fonction à Paris, le 26 février, et lui, il ne l’oubliera pas. C’est évidemment à la section de l’intérieur du Conseil d’Etat qu’il a été nommé. Il s’y rend chaque semaine pour examiner des contentieux ou certains projets de loi gouvernementaux, du mariage pour tous à l’interdiction du cumul des mandats. Parce que tout remonte vers lui, il a appris que le ministère de l’Intérieur a vérifié qu’il ne jouait pas le conseiller d’Etat fictif.

S’il a rencontré Nicolas Sarkozy dans les Hauts-de-Seine en 1988, la photo qui orne son bureau date de 2002, quand l’ex-maire de Neuilly était ministre de l’Intérieur. Michel Gaudin sait se taire, c’est une qualité dont l’ancien président mesure le prix pour ne pas en avoir été spontanément pourvu. Dans l’administration, des nostalgiques du quinquennat précédent l’alimentent en notes.

Si la politique n’est pas son monde, il a appelé des élus pendant la campagne interne de l’UMP, pour les inciter à parrainer telle ou telle motion.  » Il apporte un oeil neuf et juvénile, alors qu’il n’est ni neuf ni juvénile !  » note Brice Hortefeux.  » Il écoute, retranscrit, crée des liens, utilise ses réseaux, il est bien plus qu’un préfet « , complète l’ancien ministre français de l’Economie François Baroin. Michel Gaudin aime être utile.

ERIC MANDONNET

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire