L’imagination au musée

Guy Gilsoul Journaliste

Pour la troisième année, le Prix des musées a couronné trois lauréats, dans chaque région du pays. Selon quels critères ? Explications.

Désormais habituel, le Prix des musées offre chaque année trois chèques de 10 000 euros, assorti d’un Prix du public (trois chèques de 2 500 euros), à des institutions muséales. Ce prix est organisé par la revue Openbaar Kunstbezit in Vlaanderen et financé par le bureau d’avocats Linklaters De Bondt.

Rappelons d’abord qu’un musée a deux fonctions principales, paradoxales : d’une part, les soucis de la conservation (la meilleure solution serait de carrément fermer l’institution et de n’accorder aucun prêt !) ; de l’autre, la préoccupation sans cesse croissante de l’accessibilité, de l’augmentation des visiteurs, un des critères d’appréciation du jury du Prix des musées.

Cette année, le musée Rops (Namur), le Muhka (musée d’art contemporain à Anvers) et les Musées royaux des beaux-arts de Bruxelles ont été couronnés. Bien sûr, le nombre de visiteurs enregistrés est un signe, mais c’est insuffisant pour remporter le Prix. Le Centre de la gravure à La Louvière comptabilise 10 000 visiteurs par an, le Musée de la photographie de Charleroi cinq fois plus, la Maison Horta, 62 000, et le Muhka d’Anvers, 100 000. Mais, à côté de cette grande institution flamande, le chiffre de 25 000 est affiché fièrement par le tout petit musée du Malgré Tout, à Treignes, tenu à bras-le-corps par trois personnes et un budget dérisoire ! Et ce dernier a dignement remporté de Prix du public pour la Wallonie, les Bruxellois récompensant le Musées des instruments de musique, et les Flamands, le musée de la guerre 1914-1918.

Renouvellement et pédagogie

Le Prix des musées accorde une grande importance à un autre critère : l’originalité et la créativité. D’abord, dans la manière de montrer. Au Cinquantenaire, on a compris la leçon et on renouvelle au fil des ans la présentation de chaque section, quitte, au passage, à abuser le public en annonçant le caractère temporaire d’un événement dont l’essentiel se retrouvera après dans les collections permanentes. En revanche, le succès de la dernière exposition Rubens des Musées royaux des beaux-arts de Bruxelles (137 000 visiteurs sur les 451 000 annuels) doit beaucoup à la structure pédagogique, pensée dès la conception de l’exposition, par ailleurs d’un très haut niveau scientifique (cinq ans de recherches). L’envie de visiter un musée n’est donc pas seulement liée à la beauté des vitrines. Le nombre élevé de visiteurs du Muhka, malgré une programmation très pointue, est sans aucun doute redevable à l’originalité des propositions, mais aussi (on songe au festival Moussem) à l’implication des habitants dans un événement culturel qui s’ouvre largement au contenu politique.

Le Prix du musée tient aussi à encourager la qualité de la communication (bilingue au minimum), et la pertinence d’initiatives comme des ateliers créatifs, conférences, concerts… Mais, comme cha- que musée possède ses spécificités, c’est à l’intérieur de celles-ci que se révèle le mieux le dynamisme (et la bonne entente) d’une équipe. Deux exemples. Au musée Rops à Namur, on ouvre des ateliers d’initiation à la pratique de la gravure, et on fait encore mieux : dans une des salles, aux côtés des £uvres  » scandaleuses  » du maître, on organise une classe de dessin de  » nu  » d’après modèle vivant. Au Musée de la photographie de Charleroi, on ne se contente plus d’organiser des ateliers au sein du musée, on prévoit un studio mobile afin d’aller à la rencontre du futur visiteur là où il se trouve.

Enfin, dans leur recherche d’ouverture à tous les publics (et, par exemple, aux malvoyants et malentendants, aux handicapés mentaux et aux défavorisés), les musées travaillent l’accessibilité pratique autant que pédagogique. Régulièrement, le Gamah (Groupe d’action pour une meilleure accessibilité aux handicapés) rédige un rapport que le jury du Prix du musée examine avec soin.

Remarque : il faudrait bien qu’à leur tour les pouvoirs publics soient conscients de la question de l’accessibilité. Aucun transport en commun ne mène jusqu’au musée de Mariemont, et rejoindre le Mac’s depuis la gare de Mons relève du jeu de piste indécent ! Peut-être faudrait-t-il aussi inventer un prix pour encourager l’initiative des dirigeants locaux ?

Infos : www.prixdesmusees.be

Guy Gilsoul

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