L’éveil du printemps sans une ride

Barbara Witkowska Journaliste

L’oeuvre de jeunesse du dramaturge allemand Frank Wedekind, mise en musique par Benoît Mernier sur le livret de Jacques De Decker, a été créée à La Monnaie en 2007. La voici dans une production de l’International Opera Academy. Percutant !

Frank Wedekind (1864-1918) n’a pas écrit que Lulu, un classique du théâtre expressionniste allemand dont Alban Berg a tiré un opéra mondialement connu. Rédigé en 1890, L’éveil du printemps (Frühlings Erwachen) témoigne de la qualité de l’inspiration du dramaturge, âgé alors de 26 ans. Autour des ados de 14 ans, héros de l’ouvrage, Wedekind a tissé une trame mêlant des thèmes intemporels : la curiosité enfantine, le refoulement et la répression du sexe, la difficulté d’être un adolescent dans un monde de  » grandes personnes « , l’éducation autoritaire ou libérale.

La pièce, mise en scène à Munich en 1906, a été interdite ensuite pendant plusieurs années, car jugée  » pornographique « . Assez méconnu en Belgique, L’éveil du printemps a fait l’objet d’une création remarquée à La Monnaie en 2007. Il s’agissait du tout premier opéra de Benoît Mernier. Originaire de Bastogne, organiste et compositeur réputé d’oeuvres pour l’orgue, le piano et la voix, ainsi que de pièces symphoniques, l’artiste a souhaité aborder l’opéra. Mais quel sujet choisir ? Le compositeur Philippe Boesmans lui souffle alors la lecture de L’éveil du printemps.

Conquis par la pièce, Benoît Mernier est convaincu que l’opéra doit s’écrire en allemand. Le nom de Jacques De Decker, germaniste, écrivain, dramaturge et secrétaire perpétuel de l’Académie royale, s’impose immédiatement.  » Quand j’ai reçu le coup de fil de Benoît, j’étais ravi, car c’est la pièce avec laquelle je vis depuis quarante ans, s’enthousiasme Jacques De Decker. Je suis le premier à l’avoir traduite en français en 1969. L’éveil du printemps est un sujet existentiel et universel, inhérent à la condition humaine. C’était mon premier livret, mais l’écriture n’a pas été très compliquée. La langue de Wedekind est très musicale, une sorte de rythmique et de cadence est déjà là.  »

De son côté, Benoît Mernier a composé un tissu orchestral riche et diversifié qui épouse au plus près la psychologie des personnages et leurs émotions. Chaque scène a sa couleur instrumentale. La complicité entre le compositeur et le librettiste a fonctionné à merveille et la fusion entre le texte et la musique séduit par un équilibre rarement atteint.

Huit ans plus tard, L’éveil du printemps revient dans la production de l’International Opera Academy (IOA).  » Ce qu’il faut souligner, c’est l’originalité du projet, note Jacques De Decker. Il s’agit de la toute première production de cette structure de formation internationale des chanteurs d’opéra, créée en 2013 par le metteur en scène Guy Joosten. Je suis très sensible au travail de Guy Joosten. Il s’inscrit dans la lignée de très grands metteurs en scène flamands, tout en étant plus abordable et plus accessible. C’est quelqu’un qui joue sur l’intensité dramatique, qui aime le théâtre.  »

Pour cette production, Benoît Mernier a écrit une nouvelle version instrumentale.  » A La Monnaie, il y avait 60 musiciens, aujourd’hui l’opéra est porté par un ensemble de chambre de 16 musiciens, explique-t-il. Tout en essayant de garder la même couleur, cette version est plus percutante car elle favorise davantage le rapport entre les musiciens et les chanteurs.  »

Les 26 mai à Hasselt, 30 mai à Bruxelles (Flagey), 10 et 11 juin à Anvers (Opera Vlaanderen). www.ioacademy.be

Coffret Frühlings Erwachen, 1 DVD + 2 CD, Cypres.

Barbara Witkowska

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