Les toques font des sandwichs

Quand les Mozart des fourneaux réinventent le fast-food à la française. Une nouvelle recette pour diversifier la gastronomie et doper leur chiffre d’affaires.

Thierry Marx croise les doigts. Si tout va bien, le chef doublement étoilé du château Cordeillan-Bages à Pauillac (Gironde) réalisera son rêve en 2010. Il ouvrira, enfin, son… fast-food à l’enseigne Easy Marx dans le XVIIIe arrondissement de Paris,  » du côté de Clignancourt « .  » La restauration de rue me passionne, s’enthousiasme ce natif de Ménilmontant. Aujourd’hui, on trouve essentiellement quel-ques vendeurs de kebabs et des marchands de hamburgers, alors que le marché de la restauration rapide connaît une croissance de plus de 5 % par an. Pourquoi ne pas proposer une alternative à la malbouffe en nous appuyant sur notre savoir-faire ?  » Dans son futur  » corner « , comme il dit, largement ouvert sur la rue, les clients pourront manger sur place ou emporter leurs emplettes – pâtes fraîches, plats d’inspiration japonaise, méditerranéenne ou française tendance  » tradi « . Sans dépenser, c’est promis, plus de 6 ou 7 euros.

Thierry Marx en a rêvé. D’autres chefs français l’ont (déjà) fait. Les uns après les autres, ils investissent la restauration rapide avec force sandwichs, salades et soupes. Pour mettre le bien-manger à portée de bourse du commun des mortels, jurent-ils la main sur le c£ur. Pour doper leur chiffre d’affaires, également.  » Les restaurants gastronomiques sont structurellement déficitaires, explique Bernard Boutboul, directeur général de Gira Conseil, spécialiste français du marketing de la restauration. Voilà pourquoi les grands maîtres de la cuisine multiplient livres, émissions de télé, conférences, missions de conseil et cours pour les particuliers. La restauration rapide est le dernier avatar de cette diversification. Une expérience sur laquelle les étrangers, à commencer par les Américains, ont les yeux rivés. « 

Bocuse, Ducasse, Martin et Veyrat s’y sont mis

A Annecy (Haute-Savoie), le fast-food bio de Marc Veyrat, le Cozna Vera, a reçu ses premiers clients à la fin de décembre 2008. Guy Martin, chef du Grand Véfour, à Paris, s’était jeté à l’eau quelques mois plus tôt avec deux snacks de luxe, baptisés Miyou, l’un au terminal 2E de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, l’autre à côté de son école de cuisine, rue de Miromesnil. L’inoxydable Paul Bocuse n’est pas en reste. En janvier 2008, il a ouvert, à Lyon-Vaise, le Ouest Express, doté de quatre comptoirs de vente disposés en arc de cercle. Une bonne opération : de 500 à 600 clients par jour, 2 millions d’euros de chiffre d’affaires prévus cette année et un petit frère attendu pour octobre sur la nouvelle esplanade de Lyon-Part-Dieu.  » Notre priorité est d’optimiser ce concept dans la capitale des Gaules, avant d’en faire une chaîne de restauration en France et peut-être à l’étranger « , indique Pierre-Yves Bertrand, responsable du développement d’Ouest Express.

Alain Ducasse et la famille alsacienne Westermann ont grillé la politesse à leurs collègues. L’un et l’autre réinventent la restauration rapide depuis 2002. L’enseigne  » made by Ducasse  » – Be (prononcez  » bi « ), pour  » boulangépicier  » – à la fois boulangerie et sandwicherie haut de gamme, s’est implantée dans le VIIIe arrondissement de Paris ; la marque strasbourgeoise Secrets de table trône, elle, sur trois restaurants de la ville. En 2006, Alain Ducasse a récidivé en installant Be au troisième étage du Printemps de la maison et, à Tokyo, dans le très chic grand magasin Isetan du quartier de Shinjuku.  » Dans toutes les grandes villes, on observe un raccourcissement du temps disponible pour les repas, souligne Laurent Plantier, directeur général d’Alain Ducasse Entreprise. Ce qui n’empêche pas de rechercher une nourriture de qualité.  » A condition d’être prêt à débourser jusqu’à 7 ou 8 euros pour un sandwich…

Anne Vidalie

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire