Les règles de fonction nement d’une cour

Le roi est entouré de plus d’une centaine de collaborateurs qui n’ont aucun compte à rendre au Parlement. Démocratique ?

Chaque Belge débourse un peu plus d’un euro par an pour la monarchie. Plus exactement, 11 083 000 euros sont octroyés, cette année, aux souverains et à leurs enfants (voir infographie en page 34) pour accomplir leurs tâches en toute indépendance. Il s’agit d’un budget de fonctionnement et non de rémunérations des membres de la famille royale. Ce montant couvre l’entretien des palais et des châteaux mis à disposition, ainsi que les salaires d’une partie du personnel, ce qui représente une centaine d’employés et de dignitaires, des concierges au grand maréchal. En réalité, il faudrait y ajouter les rétributions d’un certain nombre des collaborateurs, toujours prises en charge par les administrations qui les employaient avant leur entrée au Palais. Selon différents spécialistes, ce total resterait néanmoins faible par rapport au coût d’une république : un président est généralement entouré d’un nombre plus important de collaborateurs.

Constitutionnellement, les premiers conseillers du roi sont les ministres. Toutefois, selon une sorte de droit coutumier, le chef de l’Etat a le droit de disposer de collaborateurs privés qu’il nomme lui-même, sans contreseing ni accord des ministres. Même s’il lui est demandé de  » consulter discrètement  » le gouvernement, qui peut lui faire part d’éventuelles objections. Ses conseillers ne sont pas responsables devant le Parlement, mais seulement vis-à-vis du souverain.

La Maison du roi se divise en fait en 4 grands départements.

1. Le grand maréchalat de la cour. Selon le protocole, le premier haut dignitaire du Palais est le grand maréchal de la cour. Depuis 2002, Frank De Coninck (61 ans), ancien diplomate qui a passé une partie de sa carrière en Afrique, prend en charge les activités publiques du roi en sa qualité de chef de l’Etat, de symbole et de représentant de la nation : réceptions au Palais, voyages à l’étranger, visites d’entreprises, etc. Il remplit ce rôle de coordination pour tous les départements du Palais, mais aussi pour les maisons et les services des autres membres de la famille royale. Certains collaborateurs se partagent d’ailleurs entre différentes maisons, comme Anick Van Calster, conseillère à fois du roi Albert II et du prince Philippe.

2. Le cabinet du roi. Dans l’ordre hiérarchique, le chef de cabinet n’est que le deuxième collaborateur du roi. En réalité, le rôle de Jacques van Ypersele de Strihou (69 ans) paraît beaucoup plus important et stratégique (lire le portrait en page 38). En charge des problèmes politiques et administratifs, il est en contact étroit avec le gouvernement, notamment. Son influence est d’autant plus étendue que son bras droit, Ghislain D’Hoop (47 ans), est par ailleurs le principal conseiller de Philippe (lire aussi l’encadré ci-dessous ).

3. La maison militaire du roi, dirigée depuis 2005 seulement par le néerlandophone Jef Van Den Put (55 ans), est, quant à elle, responsable des relations avec les forces armées et avec le ministre de la Défense.

4. La liste civile du roi. Son intendant, Vincent Pardoen, au Palais depuis 1992, gère les ressources financières et matérielles octroyées au souverain.

Il ne faut pas sous-estimer le rôle de ces collaborateurs qui tiennent l’agenda d’Albert II, déterminent les personnes qu’il rencontrera au cours des audiences, des visites ou autres activités. Bien sûr, les ministres peuvent aussi faire des propositions à ce sujet.

Au fil du temps, cet entourage s’est adapté. Dans les années 1950, le besoin d’un aggiornamento s’est fait sentir, avec le souci d’améliorer l’information de Baudouin. Au cabinet du roi, le service de presse s’est développé pour que le souverain puisse prendre connaissance d' » articles inamicaux  » et apprenne  » à connaître le pays « . Ensuite, à partir des années 1980, ce service s’est de plus en plus attaché à créer une image positive de la monarchie dans la population et est devenu, à cet égard, un puissant instrument de relations publiques.

Objet de convoitises

Pour des raisons de prestige et de pouvoir, l’entourage royal a régulièrement fait l’objet de convoitises. Certains défendent l’idée que les fonctions dirigeantes du Palais devraient faire partie des accords qui président au partage des emplois publics. Mais la cour a toujours fait exception dans la politisation des institutions. Cela serait contraire aux conclusions de la commission parlementaire de 1949, qui a étudié le problème, en pleine Question royale :  » Dans l’exercice des pouvoirs que lui attribue la Constitution, le roi a non seulement le droit mais aussi le devoir de se faire une opinion personnelle sur les affaires qui lui sont soumises « , explique ce document. Si le souverain de tous les Belges n’était informé et éclairé que par ses ministres, il pourrait difficilement remplir sa mission de conciliateur et d’arbitre. Le gouvernement ne représente en effet qu’une fraction de l’opinion publique.

Les coalitions se succèdent, le chef de l’Etat reste. Entouré de collaborateurs qui ne sont pas impliqués dans le combat politique, qui n’ont pas les mains dans le cambouis ni le nez sur le guidon, le monarque pourrait ainsi incarner la collectivité, avoir une profondeur de champ qui servirait l’intérêt général. l

D.K.

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