LES PROFS, DES YOUTUBERS COMME LES AUTRES ?

David Abiker

Quand l’enseignement passe par l’écran, l’enseignant s’adapte, quitte à adopter les codes du divertissement.

– Bonjour Brian, comment abordez-vous cette rentrée 2027 ?

– J’espère dépasser les audiences de l’année dernière.

– Et la pédagogie, ça reste important ?

– Primordial. Je ne me vois pas privilégier l’audience. Notre métier, c’est d’abord de transmettre.

– Comment concevez-vous votre mission d’enseignant ?

– Nous menons une véritable bataille contre l’inattention et la déconcentration. Un élève qui ne suit pas, c’est un élève qui s’ennuie et qui est démotivé. Nous devons donc les distraire, les captiver. Sinon, on les perd.

– En maths, c’est important ?

– Essentiel. Surtout avec ceux à qui il faut inculquer les bases.

– Comment vous y prenez-vous ? Vous êtes concurrencé par la musique, les réseaux sociaux, les vidéos de YouTube, sans parler du streaming !

– D’abord, il y a les vêtements. J’ai un accord avec The Kooples, je change de look tous les jours. Les élèves aiment que le prof soit sapé. Puis, il y a le fond derrière moi. Quand j’ai commencé, je me filmais devant un tableau, mais ils préfèrent un fond animé donc je tourne sur fond vert, puis j’incruste une animation.

– Il paraît que vous avez introduit des blagues toutes les trois minutes ?

– C’est central et le ministère nous y pousse. On ne peut plus passer une heure sans les stimuler, donc nous avons une série de vannes fournies par le ministère, inspirées de celles de Norman et Cyprien. Une blague pour deux démonstrations en maths, ça permet de ne pas les perdre.

– Vous avez été pionnier dans ces techniques pédagogiques. Vous n’avez pas eu le sentiment de longtemps prêcher dans le désert académique ?

– Au départ, ça a été dur mais, peu à peu, mes collègues ont été obligés de se rendre à l’évidence. Il faut aller chercher les élèves là où ils sont : sur leurs tablettes et leurs smartphones, ainsi que sur les réseaux sociaux s’il le faut.

– Vous postez sur Facebook, mais pas seulement !

– Facebook, c’est le vaisseau amiral de mes vidéos. C’est là que se réunit la communauté des élèves pour suivre le cours tout au long de l’année. Mais je balance aussi des résumés sur Snapchat, des éléments de cours sur Periscope lorsque j’ai besoin d’éprouver la sensation du direct. J’utilise aussi Twitter pour poser des questions ou répondre aux leurs.

– Vous êtes retourné dans une classe depuis le lancement de votre Mooc ?

– Je vous avoue que non. Quand vous avez 123 000 auditeurs libres qui vous suivent derrière leur écran, vous n’avez aucune envie de revenir dans un collège. D’autant qu’on les ferme peu à peu. Je n’ai pas envie d’être le dernier prof de maths à faire cours entre quatre murs. Et puis, grâce au Mooc, j’ai multiplié mon traitement par 30.

– Par 30 ?

– Oui, le cours est sponsorisé par Apple et Samsung. Et si je les cite pendant le cours, je reçois un bonus. Je ne le fais pas trop car les élèves pourraient me le reprocher. Avec le sponsoring, les citations et Nike qui me chausse gratuitement, c’est le jour et la nuit entre mes années collège et aujourd’hui.

– Si c’était à refaire ?

– Je signerais sans hésiter. J’ai des collègues qui me disent qu’on est devenus des YouTubers, des blogueuses beauté. Sauf que nous, nous avons des savoirs à transmettre, on ne fait pas du stand-up !

– N’empêche que les profs sont de vraies stars et que YouTube vous rémunère !

– C’est vrai, YouTube est un partenaire aussi important que le ministère.

– Et votre plus grande satisfaction ?

– Bien sûr il y a les like, mais ce qui me fait le plus plaisir, c’est quand un élève me reconnaît dans la rue et m’interpelle :  » Hey prof, bravo pour le cours de géométrie, t’as déchiré, j’ai partagé toutes tes explications avec ma communauté !  » C’est vraiment dans ces moments-là qu’on sait pourquoi on fait ce métier.

David Abiker

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