Les pages du 6 juin

6 Juin, le choc, par Edouard Maret et Claude Paris, éd. Ouest-France, 268 p.

6 Juin 44, par Jean-Pierre Azema, Robert O. Paxton et Philippe Burrin, Perrin-Le Mémorial de Caen, un album de 202 p.

Robert Capa, l’£il du 6 juin 1944, par Claude Quétel, Hors-Série Découvertes/Gallimard.

6 Juin 1944, par Anthony Kemp, Découvertes/Gallimard, 194 p.

Aumônier de la France libre, par René de Nauroir, Perrin, 290 p.

Larousse de la Seconde Guerre mondiale, sous la direction de Claude Quétel, 526 p.

L’Année de la liberté, texte de Farid Abdelouahab, préface de Bernard Clavel, 200 p.

Amyot d’Inville, quatre frères pour la France, par Patrick de Gmeline, éditions Charles Henissey, 226 p.

Le Débarquement, par Richard Holmes, un album avec fac-similé de documents essentiels, Gründ, 64 p.

Il savait, le jeune GI Bob Slaughter, que l’arrivée sur les plages normandes n’aurait rien d’une promenade. Quand mêmeà Dans ce coin de côte baptisé du nom de code d' » Omaha « , il connut le pire. Les tirs de l’artillerie allemande qui détruisent les barges de débarquement. A tel point que son sergent dut dégainer son colt 45 et le mettre sur la tempe du marin qui pilotait la sienne pour l’obliger à aborder.

 » De bleus que nous étions, nous devînmes des hommes « , explique Bob Slaughter (dans 6 Juin, le choc, d’Edouard Maret et Claude Paris).  » Certains deviendraient des braves, d’autres, bientôt, seraient morts, mais ceux qui survivraient seraient des hommes pris de peur. Certains mouillaient leur pantalon, d’autres pleuraient sans vergogne.  »

Parmi les soldats qui débarquèrent à  » Omaha la sanglante  » se trouvait un photographe de presse, Robert Capa. Accompagnant la première vague d’assaut, il prit les seules photos de ce moment historique. Envoyées au bureau londonien du magazine Life, elles furent mal développées. 11 seulement furent sauvées, et encore sont-elles floues. Mais elles ont fait le tour du monde. On les retrouvera dans un hors-série original de la collection Découvertes (Gallimard), qui publie par ailleurs un remarquable livre de l’historien anglais Anthony Kemp, très illustré et très pédagogique, selon la tradition de cette collection.

Si les trois divisions américaines qui avaient pour objectif Omaha purent tout juste y poser le pied au soir du 6 juin, c’est que les défenses allemandes, particulièrement denses à cet endroit, avaient été ratées par le bombardement aérien précédant l’assaut.

Dans l’album 6 Juin 44, les historiens Jean-Pierre Azema, Robert Paxton et Philippe Burrin rappellent l’affirmation prêtée à Nelson selon laquelle une côte bien défendue tient presque toujours tête à une attaque venue de la mer. L’irruption massive de l’aviation modifiait, certes, les données du problème. A condition de bien conjuguer son action avec celle des combattants sur l’eau et sur les plages. Le livre, original à bien des titres, commence d’ailleurs par évoquer le débarquement qui n’eut pas lieu, celui des Allemands en Angleterre en 1940 : Hitler dut y renoncer parce que la Luftwaffe de Göring n’avait pas acquis la maîtrise de l’air.

En d’autres points de la côte normande, auxquels on a donné le nom de corps d’armée,  » Juno « ,  » Gold « ,  » Utah « , ou  » Sword « , les hommes du 6 juin eurent la tâche plus facile û très relativement û qu’à Omaha. On sait, depuis Le Jour le plus long, livre et film, qu’à Sword débarquèrent les Français du commando Kieffer. On sait moins que, parmi eux, se trouvait un aumônier de la France libre qui donnait la communion aux uns et aux autres, et d’abord à Kieffer lui-même, en courant sous les balles, pendant l’assaut du casino de Ouistreham. Il vient de publier ses Mémoires, l’itinéraire d’un de ces résistants originaires de la démocratie chrétienne et des proches de la revue Esprit, dont quelques-uns avaient pourtant hésité, dans les premiers mois de l’Occupation, sur le chemin à prendre. On trouvera sur ce point aussi, dans ce livre, des indications précieuses.

C’est que rien n’était simple. Exemple impressionnant : les quatre frères Amyot d’Inville. L’aîné, resté officier dans l’armée de l’armistice, meurt au combat en Tunisie en 1943. Le deuxième avait préféré rejoindre Londres, dès juin 1940. Tué pendant la campagne d’Italie. Le troisième, prêtre et résistant, mourra en déportation. Seul le quatrième, blessé dans son char, fait prisonnier, survivra.

Rien n’était simple, et Roosevelt l’avait dit aux Américains le 6 janvier 1942 :  » Cette guerre est d’une espèce nouvelle.  » Ce que rappelle le remarquable Larousse de la Seconde Guerre mondiale, divisé en chapitres qui présentent successivement chaque grand événement, son analyse et son contexte, un carnet d’images, enfin. C’est dans ce livre que l’on trouve, à la page 441, un article sur les  » viols de guerre « . Les atrocités allemandes ne sont certes pas oubliées. On indique moins, d’ordinaire, que plusieurs centaines de milliers de femmes ont été victimes des Soviétiques, que les troupes du corps expéditionnaire français en Italie ont laissé derrière elles  » un sillage de violences, de pillages et de viols « . Et qu’entre 1942 et 1945 on a recensé plus de 17 000 viols commis par des Américains.

Décidément, comme l’écrit Bernard Clavel dans sa préface à l’album L’Année de la liberté (qui rassemble des photos peu connues),  » la guerre est une terrible maladie qui habite le c£ur de l’humanité « .

Jacques Duquesne

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire