Les nouveaux accros

En Belgique aussi, la cocaïne s’est démocratisée. Son usage devient de plus en plus récréatif.

On pourrait dire à l’avance quelle culture d’entreprise favorise le plus la consommation d’alcool et de cocaïne « , énonce un médecin. Les boîtes américaines, le monde du spectacle, de la mode et de la communication sont comme des aimants naturels pour la  » coco  » « . Elle renvoie aux valeurs de performance et d' » assertivité  » exigées par le libéralisme économique exacerbé. En décuplant l’énergie (et la parano), elle permet de faire face à des challenges qui se rapprochent, même si le coup de pompe suit immanquablement : le  » crash  » après le  » rush « .

 » Les consommateurs festifs ne veulent surtout pas être confondus avec des  » drogués « , confie un travailleur social. Ils se dérobent à toute investigation. C’est le public le plus difficile à toucher.  » Pincée de parano ou quoi ? Personne n’aime s’exprimer sur cette inclination, pas très discrète, pas très honteuse (merci, les people), mais qui suscite quand même une certaine gêne, à cause de ses effets présumés – et parfois avérés – sur le comportement social (irritabilité, mégalomanie, méfiance).

En dix ans, sans être pour autant à la portée de tous (à 20 ou 25 euros le demi-gramme, ce n’est pas donné), la cocaïne s’est démocratisée, mais moins vite qu’on ne le craignait. Ce qui ne l’empêche pas de faire dorénavant partie du paysage ! Sa diffusion a été  » servie  » par la politique des prix agressive pratiquée par les mafias étrangères pour concurrencer le marché des stimulants synthétiques (ecstasy et autres amphétamines), fabriqués dans des laboratoires clandestins aux Pays-Bas et en Belgique.  » Car il n’y a pas vraiment de différence entre l’usager de la cocaïne et celui d’ecstasy et d’amphétamines, remarque le Pr Nicolas Zdanovicz (UCL), psychiatre aux cliniques universitaires de Mont-Godinne. Ils zappent entre ces produits, qui ont des effets très proches, en les arrosant d’une petite dose d’alcool. « 

Les demandes de traitement augmentent régulièrement. Entre 2000 et 2003, le nombre d’hospitalisations faisant suite à un abus ou à une dépendance à la cocaïne a connu une croissance moyenne annuelle de 25 %.  » Ce n’est pas le raz de marée qu’on aurait pu prédire sur la base de nos patients consommateurs chroniques, relève cependant le Pr Zdanowicz. Aujourd’hui, il y a effectivement beaucoup plus d’usagers, qui, toutefois, adoptent plutôt le mode récréatif. Ils sont moins atteints par l’effet de dépression, parce qu’ils la combattent avec de nouvelles doses de cocaïne ou parce que, du fait d’un usage moins fréquent, l’effet déprimant met plus de temps à se manifester. « 

Du beau monde aux personnes  » désinsérées « , en passant par la zone grise qui sépare les consommateurs problématiques des autres, la cocaïne se consomme de trois manières : elle est sniffée (le fameux  » rail  » sur un miroir, avec paille ou billet de banque enroulé), fumée (la cocaïne est mélangée à du bicarbonate de soude ou à de l’ammoniac : le  » crack  » américain ou free basing) et injectée par la voie intraveineuse. Ce dernier mode de consommation est le moins répandu. Il est pratiqué par des polytoxicomanes, dont certains apprécient l’association héroïne-cocaïne ( speed-ball). Chaque prise a son rituel. C’est même une partie du plaisir, sauf pour les utilisateurs compulsifs, devenus esclaves de la  » dame blanche « .

M.-C.R.

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