Les mécomptes du Fonds désargenté

Plus aucune rentrée financière depuis 2007 : jamais le Fonds de vieillissement n’a obtenu les moyens de ses ambitions. La crise financière n’explique pas tout. Les gouvernements Verhofstadt ont rarement tenu leurs engagements d’alimenter la caisse.

Des réserves pour pouvoir payer les pensions d’une population en voie de vieillissement accéléré. Une plus belle preuve de discipline budgétaire que ça, tu meurs. Verhofstadt Ier (libéral-socialiste-écologiste) était du genre à tout oser. Il enrobe bien comme il faut le signal fort qu’il entend donner. 2001 sera l’an I du  » Zilverfonds « . En français dans le texte :  » Fonds argenté « .

Si ce n’est pas la recette miracle, la barre est placée fort haut. Père porteur du projet, le ministre du Budget Johan Vande Lanotte (SP.A) voit loin à l’époque.  » On pourra de la sorte éviter de se retrouver dans une situation où dix années de vaches grasses seront suivies de vingt années de vaches maigres. Ou, pour le dire autrement, on pourra éviter d’être contraint de réaliser des économies drastiques en matière de dépenses sociales et de retraites ou d’augmenter les impôts et cotisations sociales pour faire face aux effets du vieillissement.  » Rien que ça.

Il ne restait plus qu’à trouver de quoi alimenter la cagnotte. Produit de la vente des licences UMTS, plus-value sur la vente d’or de la Banque nationale, dividendes provenant de Belgacom, reprise du fonds de pension de Belgacom, non-échange de billets de banque, vente de la CREDIBE, opération réalisée sur le FADELS (Fonds d’amortissement des emprunts du logement social), Déclaration libératoire unique : les recettes non fiscales viennent ponctuellement garnir la corbeille. Rien que du  » one- shot « , des rentrées exceptionnelles.

En 2005, les bonnes résolutions montent encore d’un cran : à partir de 2007, le Fonds argenté sera financé de manière structurelle, donc plus sérieuse. Par des surplus budgétaires que la coalition violette (libérale-socialiste) Verhofstadt II se fait fort de dégager. Pour preuve : 176 millions sont versés en 2006. Ce sera bon… pour une fois.

Depuis lors, c’est la panne sèche. Plus d’excédents budgétaires, ni même de recettes publiques exceptionnelles. Les sources du Fonds de vieillissement se sont tragiquement taries. Fichue crise financière et économique : elle a déjoué tous les pronostics, enrayé la mécanique budgétaire vertueuse. Et privé de jus la poire pour la soif.

Rageant, alors que le retour à un endettement de 60 % du PIB, préalable à l’activation du Fonds argenté, se profilait à l’horizon.  » Surréaliste « , a pesté Didier Reynders (MR), alors ministre des Finances :  » Entre 2001 et 2007, le taux d’endettement a diminué de 106,6 % à 84,2 %. L’impact de la crise financière a mis brusquement un terme à cette baisse, et le taux d’endettement s’élevait à 97,1 % fin 2010.  » Adieux veau, vaches, cochon, couvée.

C’est ce qui s’appelle rater sa vocation. Et pour des raisons qui ne sont en rien indépendantes de toute volonté politique. La crise ? Elle a bon dos. Elle ne frappe de plein fouet qu’à partir de 2008. Entre-temps, Verhofstadt I et II avaient bien préparé le terrain : les fruits de la croissance économique du début des années 2000, redistribués notamment à coups de cadeaux fiscaux, sont souvent passés sous le nez du Fonds de vieillissement.

Economiste en chef à la banque Degroof, Etienne de Callataÿ appuie là où ça fait surtout mal.  » L’utilité du Fonds argenté était avant tout pédagogique : il devait instiller au sein de la population la confiance nécessaire pour lui faire accepter un surcroît d’austérité budgétaire. Il n’en a rien été : le Fonds n’a nullement servi à améliorer la gestion budgétaire. « 

Au contraire, il n’a fait qu’installer puis entretenir un faux confort :  » En donnant l’illusion qu’il pouvait résoudre, même partiellement, le problème du futur des pensions, le Fonds de vieillissement est devenu un frein à une véritable réforme des retraites.  » Bref,  » un outil inutile et contre-productif « , juge l’économiste. Qui lui reconnaît un mérite, tout de même : avoir évité une gestion budgétaire encore plus déraisonnable.

P. HX

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