Les jeunes rêvent de maisons à 80 000 euros

Autant dire que le réveil est brutal. Les mitoyennes sont surestimées et exigent souvent d’importants travaux de rénovation. Mais les perles existent, qui se révèlent à qui sait où les trouver.

« Le marché immobilier liégeois se porte-t-il bien ? » La question divise les courtiers, qui dressent un tableau plus ou moins pessimiste de la santé de la brique dans la Cité ardente. L’un déclare d’emblée que la situation est  » parfaitement négative « . L’autre, tout en avouant qu’elle n’est  » pas au beau fixe « , assure qu’elle n’est  » pas dans le rouge non plus « . Un troisième coupe la poire en deux :  » Ce n’est pas si mal que ça.  » Traduction ? L’offre est au rendez-vous et la demande est bien présente, mais ses rangs se sont quelque peu… resserrés. La faute aux organismes financiers et de prêt, qui ont cadenassé leurs conditions d’accès au crédit hypothécaire, à Liège comme ailleurs.

 » Les Liégeois ont une bonne brique dans le ventre, assure Eric Penners, de l’agence immobilière B.I.V. Ils souhaitent toujours autant acquérir leur bien, mais plus à n’importe quel prix.  » Pour que le marché continue à tourner, le courtier préconise donc une adaptation des tarifs, en compensation de la prudence des banques. Une démarche qui, on s’en doute, ne passe pas toujours bien auprès des vendeurs.  » Mais ils commencent à en avoir conscience et à se ranger à notre point de vue.  » Et, en la matière, Eric Penners est formel.  » Les années dorées que l’on a connues de 2003 à 2008, il faut les oublier ! Ceux qui ont acheté en 2009 et espèrent maintenant récupérer leur investissement de départ à la revente doivent se faire une raison.  »

Les maisons ouvrières sont surestimées

Selon Vinciane Maillet, de l’Immobilière La Bruyère, ce phénomène de décalage entre le prix et la valeur vénale des biens se marque surtout sur certains d’entre eux, dont font partie les maisons ouvrières.  » Alors que l’on constate que les mises à prix se sont stabilisées dans la plupart des ventes, les maisons mitoyennes modestes, elles, accusent toujours une forte surestimation, de l’ordre de 10 à 15 %.  » Et la courtière de citer un  » cas d’école « , prenant l’exemple de cette maison ouvrière que son propriétaire avait mise en vente à 145 000 euros, avant de se tourner, bredouille, vers l’agence.  » Je l’ai directement averti que s’il en avait 130 000 euros, il devait s’estimer heureux. Optimistes, nous avons tout de même tenté 135 000 euros. En une visite, elle était partie.  »

Le problème, dans cette catégorie de biens, tient au fait que les amateurs ne peuvent souvent pas se permettre d’allonger la différence, quand bien même celle-ci se chiffre à 10 000 ou 15 000 euros. Et parmi eux, beaucoup sont des jeunes couples.

 » Auparavant, reprend Eric Penners, de nombreux jeunes candidats-acquéreurs achetaient des bâtiments à restaurer, pleins de motivation, quitte à camper pendant les travaux, qu’ils étalaient suivant le temps nécessaire pour rassembler les fonds.  » Un compromis financier qu’ils ne peuvent plus se permettre à présent.  » Les banques ne prêtent plus au-dessus de 100 % du prix de vente, ce qui signifie qu’ils doivent rassembler à tout le moins de quoi couvrir les frais d’acquisition, sans compter le montant de la rénovation.  » Soit, en tablant sur un achat à 120 000 – 130 000 euros, entre 10 000 et 20 000 euros de frais de notaire et de droits d’enregistrement – compte tenu d’une éventuelle réduction de ces derniers -, auxquels il faut souvent ajouter un minimum de 20 000 euros de travaux.  » Mais on arrive vite à 35 000 – 40 000 euros. Or, rares sont les jeunes couples qui disposent d’une telle somme en fonds propres aujourd’hui « , déplore l’agent immobilier.

Des jeunes couples exigeants

Ce qui ne les empêche pas de voir les choses en grand.  » Les jeunes qui viennent me voir me demandent de leur dénicher une maison de trois à quatre chambres, correctement équipée et assortie d’un jardinet pour quelque… 80 000 à 95 000 euros ! s’exclame Edgar Stoumont, de l’agence Consult-Immo. Autant dire qu’ils rêvent complètement !  » Un constat que partage Vinciane Maillet.  » Sans pour autant généraliser, c’est vrai que les jeunes sont devenus plus exigeants qu’avant. Leurs prétentions dépassent largement leur capacité financière. Ils ne comprennent pas que l’on n’a rien sans rien.  » Et Edgar Stoumont d’insister :  » Au contraire, ils sont bercés par les mises en garde des médias sur les certificats de performance énergétique des bâtiments (PEB), les attestations de conformité électrique, etc., et s’étonnent du degré de confort moindre que présentent les biens adaptés à leur budget.  »

Avec ceci que ces jeunes futurs propriétaires ne sont désormais plus autant versés dans l’achat de  » vieilles bicoques à retaper  » qu’avant. De l’avis des courtiers, beaucoup se montrent méfiants lors des visites, la perspective d’importants travaux à réaliser se mêlant à la peur des vices cachés.  » Le fait que la plupart d’entre eux soient accompagnés de leurs parents et non d’experts n’aide pas à relativiser les choses, pointe encore la gérante de l’Immobilière La Bruyère. En découvrant une tache d’humidité, par exemple, ils imaginent le pire là où un professionnel du bâtiment verrait peut-être la conséquence d’une tuile qui a bougé.  »

Panoramas des quartiers abordables

Que les jeunes se rassurent, cependant, Liège compte encore son lot de petites maisons abordables.  » Tout dépend des quartiers dans lesquels ils cherchent, souligne Eric Penners. Et encore, une rue n’est pas l’autre.  » Le courtier épingle par exemple les Guillemins,  » encore très bon marché « , et plus particulièrement les rues qui donnent directement sur la gare,  » en plein boom « , comme la rue Paradis.  » Tombée en désuétude, elle a maintenant bien repris.  »

Le notaire Jean-Louis Jeghers cite pour sa part la rue Saint-Léonard, entre Droixhe et le centre-ville liégeois,  » tout à fait spécifique « .  » Il s’agit d’une longue artère, dont tout un pan connaît un renouveau spectaculaire. De nombreux jeunes s’y précipitent pour acheter des maisons mitoyennes qui ne paient pas de mine, à partir de 150 000 – 160 000 euros et jusqu’à 170 000 – 180 000 euros.  » Le Laveu, quant à lui, rafle toujours les honneurs au rang des quartiers les plus en vue.  » Pas mal de jeunes continuent à y investir, malgré la hausse des prix, constante depuis sa renaissance, dès la fin des années 1980.  » Autre coin à surveiller, la rue Saint-Laurent, dont l’influence s’étend à sa perpendiculaire Eracle, et à sa parallèle Hullos.  » Le quartier a repris parallèlement au rachat de l’ancien couvent Sainte-Agathe par la société Lampiris, qui y a installé ses bureaux mais aussi des appartements.  »

Outre le coeur de Liège,  » dans un rayon de cinq, six kilomètres autour du centre-ville, il y a encore pas mal de bonnes affaires à réaliser, glisse Edgar Stoumont. Dernièrement, j’ai vendu une maison à… 22 000 euros à Ougrée. Mais tout était à refaire, bien évidemment « . Eric Penners ajoute à la liste Chênée, Beyne-Heusay, Fléron, Oupeye, Bressoux…  » Des zones un peu ouvrières et abordables pour le budget d’un jeune couple, soit quelque 115 000 à 120 000 euros.  » Pour preuve, selon le courtier, ils sont nombreux à y acheter des maisonnettes à des prix qui restent bas pour le marché.  » Et ce tant et si bien que ces quartiers voient leur valeur grimper en flèche, dépassant la centaine de milliers d’euros en dix ans. Soit, pour certains biens, une plus-value multipliée par… dix ! »

Frédérique Masquelier

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