Les hommes, mode d’emploi

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Nicole Garcia signe avec Selon Charlie une réflexion sensible et attentive sur le masculin, décliné en variations subtiles par des acteurs épatants

C’est d’un rêve qu’est venue l’inspiration du nouveau film de Nicole Garcia, Selon Charlie. Il y avait deux hommes qui se croisent dans la cour d’un lycée, deux hommes qui se reconnaissent, qui se retrouvent, avec, entre eux, des années de vie où l’ambition qu’ils avaient nourrie ensemble s’est perdue pour l’un, tandis qu’elle poussait l’autre. Cette image, cette situation,  » ce regard, surtout, riche de mystère, d’ambiguïté « , la réalisatrice de Place Vendôme et du Fils préféré les a racontés à ses coscénaristes Jacques Fieschi et Frédéric Bélier-Garcia. Mais, très vite, elle s’est aperçue que les fils tirés depuis son image fondatrice  » menaient à des thèmes comme le secret, la culpabilité, que (ses) films précédents avaient déjà creusés « . Nicole Garcia préféra dès lors intégrer les deux figures de départ dans  » une mosaïque, qui était sans doute la meilleure technique pour peindre le motif que je voulais, encore de manière diffuse, traiter…  »

Le Charlie du titre est un garçon d’une dizaine d’années, à travers les yeux duquel se jouera  » une fable dont il est l’épicentre « . Une fable dont les protagonistes sont des hommes, et dont la texture chorale esquisse une réflexion sensible, non dénuée d’humour, mais souvent déchirante de gravité, sur le genre masculin.  » C’est un plaisir de femme de s’approcher des hommes, commente la réalisatrice, d’explorer un territoire désirable que je connais moins bien que le féminin et dont j’aimerais percer certains mystères.  » Exploratrice curieuse et attentive, Nicole Garcia nous emmène sur la côte atlantique, dans un coin de province française où vont évoluer ses personnages comme en un microcosme à la géographie précise, où chaque détail pourra être amené à compter. S’y croiseront donc, entre autres, un scientifique célèbre pour ses expéditions et rentré brièvement au pays, un prof qui y est resté alors qu’il nourrissait au départ les mêmes rêves, le maire de la bourgade qui trompe son ennui par des conquêtes féminines, et un loser énigmatique à la vie faite de petits boulots plus ou moins avouables. Un surprenant Benoît Poelvoorde s’illustre dans ce dernier rôle, au sein d’une distribution de grande qualité où brillent aussi, notamment, Jean-Pierre Bacri, Benoît Magimel et Vincent Lindon.  » Tous les acteurs du film sont mes premiers choix, mais Benoît m’a successivement dit non, puis peut-être, et enfin oui, sourit la réalisatrice. Son personnage est sans doute le plus désaxé, le plus immoral, et en même temps celui qui est chargé de la plus grande vitalité, d’une vraie générosité aussi. Il dévoile bien cette incertitude existentielle que les femmes expriment volontiers mais que les hommes taisent, ce qui les rend à mes yeux plus touchants.  »

Malgré tous leurs défauts et les erreurs qu’ils multiplient, les personnages mis en scène par Nicole Garcia ne sont pas éteints, n’ont pas renoncé.  » Ils cherchent, ils luttent, explique-t-elle, car rien n’est donné dans la vie, toute part de joie, de bonheur, doit être conquise, le plus souvent sur soi-même…  » La présence de Charlie, le gamin témoin et acteur finalement décisif de ce qui se joue, n’est pas là seulement pour porter regard sur les failles, échecs et errements des hommes réunis par le film, mais aussi pour leur rappeler  » cette part d’enfance qui est encore en chacun d’eux, et qui les anime toujours en leur ramenant à la conscience les promesses qu’ils se firent autrefois, ce désir d’arracher quelque chose à la vie avant qu’elle ne s’achève…  »

Louis Danvers

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