« Les familles d’abord » un vou pieux?

Si le besoin de reloger les familles au centre de Namur est devenu le sésame des permis de bâtir, la Ville accuse un retard immobilier que d’aucuns appellent à combler sans plus tarder.

A Namur, tout est au centre. Des commerces aux services publics, en passant par les marchés ou l’administration. Tout, oui, sauf les familles. Namur semble en effet faire face à un manque flagrant de logements unifamiliaux. Pourquoi ? Explication du Collège communal :  » Dans le passé, on a laissé trop de spéculateurs racheter des maisons pour les diviser en appartements une chambre, des kots qu’on louait au prix fort aux étudiants étrangers et flamands notamment. Cette pratique très lucrative a eu pour effet d’augmenter considérablement les prix des maisons. « 

Les autorités communales déplorent donc que la tranche 33-55 ans échappe à Namur. La raison en est simple : la Ville a fiscalement besoin de cette tranche pour engranger des recettes aptes à supporter les charges communales urbaines qui lui incombent – les piscines, théâtres et autres hôpitaux, que les communes limitrophes n’ont pas à libeller dans la colonne  » dépenses  » – ainsi que les lourdes charges communales rurales pour équiper le réseau de voiries dans les villages alentour.

Pour tenter de remédier au problème, la Ville a comme objectif de déterminer en amont ce qu’il est nécessaire d’investir en services divers en fonction de la localisation du projet, histoire d’inciter les promoteurs privés à partager les charges incontournables.

La Ville leur dévoile donc l’outil sociologique dont elle s’est équipée : un atlas géostratégique des 46 quartiers namurois permettant d’identifier la typologie des logements – mais aussi des habitants – et d’assurer une réelle mixité sociale  » Il s’agit là d’une réalité fondamentale qui échappe complètement aux promoteurs « , note Arnaud Gavroy.

Ce qui n’échappe à personne par contre, c’est l’absence de grues sur Namur. Et qui dit absence de grues dit projets au point mort ou postposés. Un phénomène qui dure depuis deux ans et demi, puisque la Ville procède au préalable à l’élaboration de ses schémas de structure. Selon Jean-Louis Humblet, président de la Confédération de la construction de Namur, cet immobilisme ne peut s’éterniser davantage :  » Il est temps d’avancer, en laissant par exemple les promoteurs entamer leurs fondations, ce qui aurait au moins pour effet d’atténuer les effets de la crise à Namur.  » Message plus ou moins entendu, puisque la Ville a fini par lâcher du lest en attribuant environ 50 % des permis de bâtir introduits par les promoteurs. C’est désormais elle – et non plus le service d’urbanisme – qui donne le feu vert. Mais ce pourcentage ne représente en réalité que 25 % du chiffre d’affaires potentiel des dits promoteurs pour des projets plus vastes.

Pour coller à l’objectif de la Ville, les permis obtenus concernent essentiellement des maisons jumelées avec 2 ou 3 chambres ou des maisons anciennes rasées en vue de reconstruire de petits immeubles d’appartements de 2 à 3 chambres favorisant effectivement le retour des familles en consommant peu de terrain. Bref, pas encore de quoi redonner de vives couleurs au secteur de la construction locale : lorsqu’un promoteur achète un terrain qu’il ne peut pas bâtir, c’est évidemment tout le secteur qui en pâtit.

Le labyrinthe urbanistique

Mais il n’y a pas que les promoteurs qui émettent des griefs : certains architectes de maisons particulières aussi.  » Ce ne sont pas les maisons de rangée qui posent problème, mais bien les maisons quatre façades, constate l’un d’eux, qui préfère rester anonyme. Un jour on nous dit blanc, et le jour d’après, ce blanc est devenu noir sans que l’on sache vraiment pourquoi. Du coup, tout prend du retard. Et six mois à un an pour obtenir un permis, c’est trop. « 

Jean-Louis Humblet est aussi de cet avis.  » Il est temps de donner des règles claires aux architectes pour que les permis soient délivrés plus rapidement. A force de légiférer, on avance sur rien. Le temps des décisions est venu. Sans décision, les meilleures intentions risquent d’être incomprises… « 

La faute aussi aux prescriptions urbanistiques de plus en plus complexes ? Du côté de la chambre des notaires de la province, on constate dans tous les cas  » une évolution délirante  » de la législation en matière urbanistique en Région wallonne. A la limite du compréhensible, selon elle. D’autant plus que, sujette à interprétations divergentes, cette législation devient une source de procès sans fin. Les notaires rappellent que, dans le passé, un acte notarié se rédigeait en trois ou quatre pages maximum.  » Actuellement, la seule clause d’urbanisme en occupe trois à elle seule « , précise-t-on. Les formalités à accomplir pour obtenir un permis d’urbanisme ou de lotir seraient de plus en plus compliquées et longues, entraînant un engluement des procédures pour délivrer des permis.

Résultat : le marché a tendance à ralentir et à se dérégler, voire se bloquer parfois. Toujours selon les notaires, et plus largement, les réformes successives imposeraient également de plus en plus de recherches pour dresser un acte de vente ou de crédit hypothécaire et, indirectement, un coût supplémentaire pour le citoyen. Parlant de l’ensemble de la province, ils affirment que certains pouvoirs locaux semblent ne pas disposer de toutes les données pour leur répondre, et que si certaines communes répondent de manière complète et rapide, d’autres ne répondent même plus, ce qui est forcément source d’insécurité juridique. Ils souhaitent donc, dans l’intérêt général, un accès aux renseignements plus aisé, plus sûr, plus rapide et moins coûteux.

S.D.

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