Les extraits

Albin Michel, 364 p.

(1) CSG (Counterterrorism Security Group) : Groupe de sécurité antiterroriste.

(2) FAA : Direction générale de l’aviation civile.

(3) Le fameux Secret Service, qui n’a rien d’un service secret, contrairement à ce que laisse entendre sa dénomination américaine.

(4) Norad : Commandement de la défense aérospatiale d’Amérique du Nord.

Je traverse en courant l’aile ouest jusqu’au bureau du vice-président, ignorant les regards inquiets suscités par mon passage. J’étais en train d’assister à une conférence dans le bâtiment Ronald Reagan, à trois blocs de là, lorsque Lisa Gordon-Hagerty m’a appelé : un avion vient de percuter le World Trade Center.

 » Jusqu’à ce qu’on en sache plus, Dick, nous devons imaginer le pire.  » Lisa a été au centre de la coordination des crises à de nombreuses reprises lors d’exercices de simulation, mais aussi, bien trop souvent, dans la vie réelle.

 » D’accord. Active le CSG en vidéo cryptée. J’arrive dans moins de cinq minutes « , lui dis-je en courant à ma voiture. Le CSG (1) chapeaute l’ensemble des organismes et des services de sécurité et de lutte antiterroriste du gouvernement fédéral. Je le dirige depuis 1992. Il me faut cinq minutes pour m’y rendre durant les heures de bureau, vingt minutes le reste du temps. Coup d’£il sur l’horloge du tableau de bord : il est 9 h 3 du matin. Nous sommes le 11 septembre 2001.

Alors que j’arrive devant la première grille de la Maison-Blanche, Lisa me rappelle :

 » La deuxième tour vient d’être frappée.

û A présent, on sait à qui on a affaire. Je veux immédiatement à l’écran tous les responsables à Washington de toutes les agences fédérales, surtout ceux de la FAA (2).  » [à]

Tout en me précipitant pour rejoindre le vice-président et Condi û Condoleezza Rice, conseillère à la Sécurité nationale û dans le bureau de Cheney, j’inspire un grand coup. Cheney a toujours eu la réputation d’être implacable, mais aujourd’hui je crois discerner une lueur d’horreur dans son regard :  » Qu’est-ce que vous en pensez ? me demande-t-il tout de go.

û C’est un attentat d’Al-Qaeda, et ils aiment les attentats simultanés. Il se pourrait bien que ce ne soit qu’un début.

û OK, Dick, reprend Condi. C’est vous le responsable de la gestion des crises, qu’est-ce que vous préconisez ?  »

Elle et moi avions déjà discuté de ce que nous devrions faire si jamais survenait une attaque terroriste. En juin, je lui avais fourni une check-list des procédures à engager après un attentat, en partie pour souligner ma conviction qu’un gros truc se préparait et que nous devions passer à l’offensive.

 » Nous sommes en train de mettre en place une téléconférence sécurisée pour gérer la crise, lui ai-je répondu. J’aimerais avoir en ligne les responsables de tous les services.  » Mon cerveau tourne à cent à l’heure, listant une nouvelle série des choses à faire, et à faire tout de suite.

 » Faites « , ordonne le vice-président.

 » Le Service de protection présidentielle (3) veut nous voir tous gagner les abris « , ajoute Condi.

J’approuve :  » C’est ce que je ferais… et je ferais également évacuer la Maison-Blanche.  »

Cheney se met à rassembler ses papiers. Dans le bureau servant d’antichambre, le Service de protection place en temps normal deux agents. En ressortant, j’en compte huit, prêts à se rendre au PEOC [Presidential Emergency Operations Center], le PC présidentiel d’urgence situé dans un bunker sous l’aile est.

Dans le PC de crise opérationnel de la Maison-Blanche, qui est, lui, au rez-de-chaussée de l’aile ouest, a été installée une salle de vidéoconférences sécurisée, clone de la salle de conférences mais dotée, en plus, d’une batterie d’écrans alignés face au fauteuil du président de séance. Comme la salle de conférences normale, celle de vidéoconférences est exiguë et lambrissée de boiseries foncées. Le sceau présidentiel trône au mur, au-dessus du fauteuil placé en bout de table.

Je traverse le PC de crise quand Ralph Seigler, son directeur adjoint de longue date, m’intercepte :  » Nous sommes en ligne avec le Norad (4), pour une demande de conférence sur une alerte aérienne.  » La procédure a été instaurée par le Commandement de la défense aérospatiale durant la guerre froide ; elle visait à prévenir la Maison-Blanche dès que des bombardiers soviétiques approchaient d’un peu trop près l’espace aérien américain.

 » Où est Potus ? Qui avons-nous avec lui ?  » demandé-je tandis que nous traversons rapidement le PC, recourant au jargon du personnel de la Maison-Blanche pour désigner le président : President of the United States.

 » Il visite un jardin d’enfants en Floride. Deb est avec lui.  » Deb est le capitaine Deborah Lower, chef du PC de crise de la Maison-Blanche.  » On a une ligne ouverte avec son mobile.  » [à]

Chaque  » principal  » est épaulé par son assistant membre du Groupe de sécurité antiterroriste, et l’on peut voir derrière eux d’autres collaborateurs crier frénétiquement au téléphone et brasser des papiers. Condi Rice entre après moi, suivie de son adjoint, Steve Hadley. Je lui demande aussitôt si elle veut présider cette séance au titre de réunion du  » Comité des principaux « . Conseillère à la Sécurité nationale, Rice préside en effet ce comité, formé du secrétaire d’Etat, du secrétaire à la Défense, du directeur de la CIA, du chef de l’état-major interarmées et, bien souvent désormais, du vice-président.

 » Non, c’est vous.  » Je repousse le fauteuil situé en bout de table et me place devant, Condi ostensiblement à mes côtés.

 » Commençons. Calmement. Nous allons opérer en mode de crise, ce qui veut dire que chacun garde son micro coupé sauf s’il prend la parole. Si vous voulez parler, faites signe à la caméra. S’il s’agit d’un point que vous ne voulez pas exposer devant tout le monde, appelez-moi sur le téléphone rouge.  »

Rice devait par la suite essuyer dans la presse les critiques de participants anonymes à cette réunion, qui lui reprochaient de s’être contentée de  » rester plantée là sans rien faire « . Mon point de vue, évidemment partial, est qu’au contraire il y avait un certain courage à se placer ainsi en retrait. Cela pouvait certes paraître bizarre, elle en était consciente, mais en même temps elle avait suffisamment confiance en elle pour ne pas éprouver le besoin de présider la séance. Elle ne voulait pas perdre de temps. [à]

 » Vous allez avoir à prendre rapidement des décisions, dit Rice, hors champ. Je file au PEOC pour être avec le vice-président. Dites-nous de quoi vous avez besoin.

û Ce dont j’ai besoin, c’est d’une ligne ouverte en permanence avec Cheney et vous.  »

Je me tourne vers mon homologue à la Maison-Blanche, le commandant Mike Fenzel. La compétition serrée pour sélectionner les membres de l’état-major avait révélé au cours des années un certain nombre de personnalités extraordinaires, parmi lesquelles un autre commandant nommé Colin Powell.  » Mike, dis-je, fonce avec Condi au PC d’urgence et ouvre-moi une ligne cryptée. Je te relaierai les décisions dont nous aurons besoin.  »

Fenzel est habitué à la pression. Lieutenant, il pilotait déjà son blindé Bradley sur la piste d’une base aérienne en Irak pour canarder des Mig et essuyait leurs ripostes. Capitaine, il avait commandé une compagnie d’infanterie dans un Liberia déchiré par la guerre civile et affronté la foule déchaînée devant l’ambassade des Etats-Unis. (Un an et demi avant le 11 septembre, Fenzel devait être le premier homme à sauter de son C-17 en parachute lors d’un raid nocturne au-dessus de l’Irak.)

 » OK, dis-je. Commençons par les faits. FAA, FAA, go.  » J’adopte d’emblée le style des communications sur les radios tactiques pour permettre aux auditeurs situés dans les autres studios de repérer qui appelle qui par-dessus le brouhaha régnant autour d’eux.

Jane Garvey, de l’aviation civile, est à son poste :  » Les deux appareils qui ont percuté les tours sont le vol 11 d’American Airlines, un 767, et le vol 175 de United, également un 767. Détournés.

û Jane, où est Norm ?  » demandé-je aussitôt. Tout le monde cherche fébrilement Norman Mineta ; le secrétaire aux Transports est, comme moi, un des rares survivants de l’administration Clinton. Au début, la Direction de l’aviation civile ne réussit pas à le trouver.

 » Bon alors, Jane, est-ce que vous pouvez ordonner l’atterrissage des avions ? On va avoir besoin d’un espace aérien dégagé autour de Washington et de New York.

û On a déjà fait bien plus que ça, Dick. Suspension de tous les mouvements û décollages et atterrissages û à New York comme à Washington, mais on nous signale que onze appareils ont dévié de leur trajectoire ou sont injoignables, peut-être détournés.  »

Murmure de Lisa :  » Oh ! merde…  » Silence soudain dans les divers studios visibles sur les écrans. Tout le monde est attentif.

 » Onze… OK, Jane, combien de temps pour faire poser n’importe où tous les appareils actuellement en vol ?  » En un éclair, mon cerveau revient à 1995, quand j’avais demandé à la Direction générale de l’aviation civile de faire annuler tous les vols américains survolant le Pacifique à cause d’une menace terroriste. Le chaos qui s’était ensuivi avait duré des jours. A l’époque, il avait fallu plusieurs heures pour retrouver le secrétaire aux Transports, Federico Peña.

 » Le patron du trafic aérien, poursuit Jane, dit qu’il y a 4 400 appareils en vol actuellement. On peut assez vite suspendre tous les décollages, mais faire atterrir ceux déjà dans les airs… personne n’a jamais réalisé un truc pareil. Je ne sais pas combien de temps ça va prendre. Au fait, c’est le premier jour de Ben à ce poste.  » Garden fait allusion à Ben Sliney, le tout nouveau responsable des mouvements à la Direction générale de l’aviation civile.

 » Jane, si vous n’avez pas encore trouvé le ministre, êtes-vous prête à ordonner une suspension générale du trafic et à instaurer une zone d’interdiction de vol ?

û Oui, mais ça va prendre un moment.  » [à]

Roger Cressey, mon adjoint, marathonien à ses heures, vient de piquer un sprint depuis le cabinet de son médecin qui se trouve à huit blocks de là. Ayant réussi à convaincre les vigiles armés de le laisser pénétrer dans le complexe, il file droit au PEOC. Je me sens soulagé de l’y retrouver.

Je me tourne vers l’écran du chef d’état-major interarmées, au Pentagone :  » JCS, JCS. Je suppose que le Norad a fait décoller en urgence ses chasseurs et ses Awacs (5). Combien en tout ? Et où sont-ils ?

C’est pas joli-joli, Dick.  » Dick Myers, lui-même pilote de chasse, sait que les temps où nous avions des douzaines de chasseurs en alerte décollage sont révolus depuis la fin de la guerre froide.  » Nous sommes en plein exercice ôGuerrier vigilant » pour le Norad, mais… la base d’Otis a lancé deux appareils vers New York. Langley essaie également d’en faire décoller deux. Les Awacs sont à Tinker et ne sont pas en état d’alerte.  » Otis est une base aérienne de la Garde nationale située à Cape Cod. La base aérienne de Langley, elle, se trouve dans la banlieue de Norfolk, en Virginie. Enfin, la base aérienne de Tinker, où sont postés tous les avions radars du pays, se trouve dans l’Oklahoma.

 » OK. Combien de temps pour avoir une patrouille de chasse au-dessus du district fédéral ?  » Positionner une telle patrouille était une procédure courante sur le territoire irakien, pas au-dessus de la capitale de notre pays.

 » Aussi vite que possible. Quinze minutes ? « , suggère Myers, lorgnant les généraux et colonels autour de lui. Il est 9 h 28. Je songe aussitôt aux attaques simultanées de 1998 contre nos ambassades au Kenya et en Tanzanie. Il existe désormais un risque bien réel d’attaques multiples et simultanées sur plusieurs pays.

 » Département d’Etat, DOD (6). Nous devons envisager le risque d’attaques simultanées contre nous à l’étranger. Nous devons fermer les ambassades. Placez les bases du Pentagone en niveau d’alerte de combat.  »

L’écran de télévision à l’angle supérieur gauche diffuse CNN, le son coupé. Voyant apparaître à l’image le président, Lisa augmente le volume et la conférence de crise s’interrompt pour qu’on puisse écouter.  » … sur le World Trade Center dans ce qui semble être un attentat terroriste contre notre pays « .

Durant la pause, je note que Brian Stafford, directeur du service de protection présidentielle, nous a rejoints. Il me prend à part :  » Il faut l’extraire d’ici pour le mettre dans un endroit sûr… et secret. J’ai déjà planqué Flotus.  » Dans le jargon de la Maison-Blanche, l’acronyme Flotus désigne l’épouse du président û First Lady of the United States. La  » première dame des Etats-Unis  » se trouve donc désormais dans un édifice anonyme û et sévèrement gardé û de la capitale fédérale. Stafford a été le garde du corps de Clinton, à la tête du détachement de protection présidentielle. Chacun sait que, malgré sa coupe de cheveux à la Elvis, c’est un type solide et sérieux. Il sait toujours dire aux présidents ce qu’il faut faire, d’une voix certes polie avec l’accent traînant du Sud, mais sur un ton qui n’admet pas de réplique.

Mon collègue Franklin Miller, conseiller à la Défense, se joint à Stafford. Frank me serre le bras :  » Je suppose que je bosse pour toi aujourd’hui. Qu’est-ce que je peux faire ?  » L’accompagne un membre de son équipe, colonel du corps des marines, Tom Greenwood.

Je m’adresse à Miller :  » Est-ce que tu peux travailler avec Brian ? Trouvez-moi où mettre le président. Pas question qu’il revienne ici tant qu’on ne saura pas ce que signifie tout ce merdier.  » Je me doute que ça ne va pas bien se passer avec le commandant en chef. M’adressant cette fois au colonel Greenwood :  » Et Tom… voyez avec Roger Cressey et faites venir ici plusieurs patrouilles de chasse. Fissa.  »

Stafford a une autre requête :

 » Quand Air Force One (7) décollera, est-ce que je pourrai lui avoir des chasseurs d’escorte ?

û Bien sûr, on peut toujours demander, répond Miller, mais vous savez tous les deux aussi bien que moi que patrouilles ou chasseurs d’escorte n’ont pas le droit d’abattre des appareils au-dessus du territoire des Etats-Unis. On aura besoin d’un ordre.  » Pour avoir passé vingt ans au Pentagone, Miller sait que les militaires veulent des ordres clairs avant de devoir recourir à la force.

Je compose le numéro de la ligne ouverte avec le PEOC : tonalité. Quelqu’un a raccroché à l’autre bout du fil. Je presse la touche correspondante sur le gros téléphone blanc crypté doté de vingt touches mémoire. Dès que le commandant Fenzel décroche, je lui indique les trois premières décisions dont nous avons besoin :

 » Mike, il faut que quelqu’un, Cheney, Condi, n’importe qui, dise au président qu’il n’est pas question qu’il revienne directement ici. Le service de protection est d’accord. Ils ne doivent pas dire où ils l’emmènent quand ils décolleront. Et il nous faut une autorisation pour l’Air Force d’abattre tout appareil suspect û y compris un avion de ligne détourné û s’il menace de s’écraser et de provoquer de lourdes pertes au sol. Pigé ?  » [à]

Plus tard, dans la soirée du 12, je quitte le centre de vidéoconférences et je découvre, déambulant seul au beau milieu du PC de crise… le président. Il a manifestement une idée en tête. Il fait signe à certains d’entre nous et ferme la porte de la salle de conférences :  » Ecoutez, je sais que vous avez des tonnes de choses à faire… mais je veux vous voir tous, dès que possible, tout repasser au peigne fin depuis le début, absolument tout. Voir si Saddam est à l’origine de tout ça. Voir s’il y est lié d’une manière ou d’une autre…  »

Je suis une fois de plus abasourdi, incrédule, et cela doit se voir :

 » Mais, monsieur le Président, c’est Al-Qaeda…

û Je sais, je sais, mais… voyez quand même si Saddam n’est pas dans le coup. Regardez encore, c’est tout. Je veux la moindre parcelle d’information…

û Tout à fait. Nous allons tout regarder… encore une fois. (J’essaie de bien réagir, de me montrer plus respectueux.) Mais vous savez, nous avons déjà cherché à plusieurs reprises si Al-Qaeda recevait des fonds de tel ou tel Etat, et jusqu’ici nous n’avons pas trouvé le moindre lien concret avec l’Irak. L’Iran a un rôle modeste, tout comme le Pakistan, l’Arabie saoudite, le Yémen…

û Cherchez du côté de l’Irak, de Saddam « , insiste le président, irrité, avant de nous quitter. Lisa Gordon-Hagerty et moi le regardons partir, bouche bée.

Sur ces entrefaites arrive Paul Kurtz, croisant le président qui s’en va. Voyant notre tête, il demande :  » Bon Dieu, qu’est-ce qui se passe ici ?

û Wolfowitz lui a bourré le mou, dit Lisa en hochant la tête.

û Non, dis-je. Ecoutez, c’est le président. Lui, il n’a pas passé des années à étudier le terrorisme. Il a parfaitement le droit de nous demander de vérifier de nouveau et nous allons le faire, Paul.  »

Paul étant le plus ouvert de mon équipe, je lui demande de diriger le projet spécial enjoignant à tous les services et toutes les agences de chercher à nouveau un lien éventuel entre Al-Qaeda et Saddam Hussein. Le lendemain, il organise une réunion destinée à mettre au point une position officielle sur les relations entre l’Irak et Al-Qaeda. Tous les services et toutes les agences tombent d’accord : il n’y a pas le moindre lien entre les deux. Un mémorandum en ce sens est adressé au président, mais rien n’indique qu’il l’ait jamais reçu. [à]

NDLR : Ci-après, le récit de la première réunion consacrée à la lutte antiterroriste qui s’est tenue au PC opérationnel de la Maison-Blanche en avril 2001, soit cinq mois avant l’attentat du World Trade Center :

Steve Hadley, l’adjoint de Condi Rice, ouvre la réunion en me demandant de faire un exposé pour le groupe. Je parle immédiatement des décisions en attente au sujet d’Al-Qaeda :  » Il faut mettre la pression à la fois sur les talibans et sur Al-Qaeda en armant l’Alliance du Nord et d’autres groupes présents en Afghanistan. Il faut, simultanément, viser Ben Laden et combattre son influence en reprenant les vols du Predator.  »

Paul Wolfowitz, l’adjoint de Donald Rumsfeld à la Défense, s’agite et fronce les sourcils. Hadley lui demande ce qui ne va pas.  » Ma foi, je ne comprends pas pourquoi on commence par parler de ce Ben Laden, c’est tout « , répond Wolfowitz.

Je précise aussi clairement et fermement que je le peux :

 » Nous parlons d’un réseau d’organisations terroristes du nom d’Al-Qaeda, qui se trouve être dirigé par Ben Laden, et nous parlons de ce réseau parce qu’il constitue, lui et lui seul, une menace sérieuse et imminente pour les Etats-Unis.

û Eh bien, il y en a d’autres, qui sont au moins tout aussi menaçants, rétorque Wolfowitz sans me regarder mais en se tournant vers Hadley. Le terrorisme irakien, par exemple.

û Paul, je n’ai eu connaissance depuis 1993 d’aucune menace terroriste soutenue par l’Irak et dirigée contre les Etats-Unis ; et je pense que le FBI et la CIA non plus, n’est-ce pas, John ?  »

Je désigne du doigt le directeur adjoint John McLaughlin, qui ne tient visiblement pas à se mêler d’un débat entre la Maison-Blanche et le Pentagone, mais répond tout de même :  » Oui, c’est exact, Dick. Nous n’avons aucune preuve d’une menace terroriste irakienne contre les Etats-Unis.  »

Wolfowitz se tourne vers moi :  » Vous donnez trop d’importance à ce Ben Laden. Il n’aurait jamais pu faire tout ça, à commencer par l’attentat de 1993 à New York, sans un Etat derrière lui. Le fait que la CIA et le FBI ne soient pas parvenus à établir des liens ne signifie pas qu’il n’y en a pas.  »

Je n’en crois pas mes oreilles : Wolfowitz est en train de nous ressortir la théorie complètement discréditée de Laurie Mylroie, d’après laquelle l’Irak était derrière l’attentat au camion piégé perpétré en 1993 contre le World Trade Center. Une théorie qui s’est révélée totalement fausse après des années d’enquête. [à]

Au lieu de chercher à travailler avec la majorité du monde islamique pour dissuader les musulmans de céder au fondamentalisme, nous avons fait exactement ce qu’Al-Qaeda avait prévu. Nous avons envahi et occupé un pays arabe riche en pétrole et qui ne nous menaçait nullement, en négligeant le problème israélo-palestinien. Nous avons offert à Al-Qaeda les thèmes d’une formidable campagne de recrutement, et il est devenu difficile pour les gouvernements arabes amis de collaborer ouvertement avec nous. [à]

Je n’aurais pas voulu que cela se passe comme cela s’est passé, pas au prix que nous avons payé et continuerons à payer ; pas en nous détournant de la nécessité de réduire notre vulnérabilité au terrorisme sur notre propre sol, pas au prix exorbitant que nous payons en faisant flamber la haine des musulmans contre l’Amérique et en renforçant Al-Qaeda.

Alain Louyot

ôCombien de temps pour faire poser n’importe où tous les appareils actuellement en vol ? »

ôTrouvez-moi où mettre le président. Pas question qu’il revienne ici »

ô Je ne comprends pas pourquoi on commence par parler de ce Ben Laden »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire