Les expos de l’hiver

Entre deux festivités de fin d’année, prenez le temps d’une escapade. Les musées de nos voisins proposent, eux aussi, des banquets: pour l’oil et l’esprit

Londres Barnett Newman et Eva Hesse

Avec Jackson Pollock, Ad Reinhardt et Mark Rothko, Barnett Newman est un des peintres les plus importants de l’abstraction aux Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Dès 1948, le peintre a trouvé sa voie: la concision. De là à en faire un maître d’un minimalisme pictural, il n’y avait qu’un pas… qui a tout faux. Notre homme révèle, depuis les premiers jours, une oeuvre habitée par le mystère de l’homme. Dans le même musée, on découvre une rétrospective d’Eva Hesse (1936-1970), dont l’oeuvre, troublante et fragile, s’imposa à l’égale de celle de son aînée Louise Bourgeois. Les deux femmes partagent en tout cas un identique besoin d’user des formes et des matériaux inducteurs d’un voyage psychanalytique sans concession.

Rappelons également l’extraordinaire exposition londonienne sur les Aztèques ( Le Vif/L’Express du 22 novembre), une des plus belles jamais montées sur le sujet. A la Royal Academy of Arts, Piccadilly (jusqu’au 11 avril. Tél.: +020-7300 5615).

Tate Modern, Bankside. Barnett Newman, jusqu’au 5 janvier; Eva Hesse, jusqu’au 9 mars. Tél.: +020-7887 8888.

Amsterdam Les richesses des Stroganoff

Sergueï Alexandrovich (1852-1923) fut le dernier des Stroganoff, la plus riche et la plus influente des familles russes. L’exposition, qui précède la réouverture du palais Stroganoff à Saint-Pétersbourg, révèle le goût de cette dynastie pour les pierres précieuses, les icônes, la peinture (Poussin, Lorrain, Botticelli, Watteau et Vivarini), sans oublier l’ensemble acquis après les découvertes de Pompéi et ces autres, venus du Mexique ou de Chine, acquis parfois avec la complicité des pirates.

De Nieuwe Kerk, Dam. Jusqu’au 21 avril. Tél.: +31-20 626 81 68.

American Beauty

Venues en droite ligne de l’Institut des arts de Detroit (Etats-Unis), les toiles rassemblées ici énoncent une histoire de la peinture américaine entre 1770 et 1920. Peu de noms connus chez nous, à part John Singleton Copley ou James McNeill Whistler et, donc, l’occasion d’en savoir plus sur cette identité naissante nourrie aux arts de la vieille Europe. Dans d’autres salles du musée, des photographies de la fin du XIXe siècle qui ont appartenu au peintre américain Frederic Church (1826-1900) évoquent sa passion pour les phénomènes naturels comme les volcans, les icebergs, les cascades, les forêts.

Van Gogh Museum, Paulus Potterstraat, 7. Jusqu’au 19 janvier. Tél.: +31-20 570 52 00.

Tracey Emin

L’artiste londonienne, apparue au début des années 1990, prend plaisir (et vengeance) à provoquer la confusion du spectateur par des installations, peintures, dessins, vidéos et autres travaux de couture. Pris au piège d’un déballage de l’intime et des blessures biographiques, celui-ci n’a d’autre issue que de se cramponner aux mots inscrits qui dénoncent, à leur tour, de façon très concrète, les agresseurs.

Stedelijk Museum, Paulus Potterstraat, 13. Jusqu’au 31 décembre. Tél.: +31-20 573 27 37.

Les Hollandais et l’Asie

Pendant 350 ans, les Hollandais eurent un pied en Asie. Leur célèbre Compagnie des Indes (1602-1950) fit le reste. Un immense gâchis pour les uns, une étonnante leçon d’acculturation pour les autres. Les objets, eux,témoignent. Ainsi, cette statue de Javanais, assis en méditation avec, aux creux des mains réunies, un modèle de moteur diesel! Entre les premiers étonnements, les échanges fondateurs et la fin des colonies, c’est une part de notre Europe qui est ici contée. Notons, dans le même musée, une collection de dessins allant de Watteau, Boucher et Fragonard jusqu’à Ingres, en passant par Oudry, Robert et Prud’hon.

Rijksmuseum, Hobbemastraat. Jusqu’au 9 février (jusqu’au 2 pour les dessins). Tél.: +31-20 674 70 47.

Maastricht Estampes vénitiennes

Venise fut, au XVIe siècle, l’une des cités où l’on produisit le plus d’estampes. Mantegna, Dürer, Giorgione, Titien, autant de noms qui font rêver, mais dont on connaît trop peu l’art de graver. Parallèlement, le musée présente une collection privée d’art du XXe siècle.

Bonnefanten Museum. 250, avenue Ceramique. Jusqu’au 16 février. Tél.: +31-43 329 01 90.

Leyde L’art en Syrie

Ebla, Mari, Ougarit, Palmyre… Autant de sites prestigieux d’une archéologie où prend naissance une culture dont nous sommes héritiers. Plus de six cents objets au menu: le plus ancien est vieux d’un million d’années, le plus récent (un modèle astronomique) date du XVIe siècle. Eblouissant. En primeur, les dernières découvertes archéologiques du musée de Tell Sabi Abyad.

Rijksmuseum van Oudheden, 28 Rapenburg. Jusqu’au 9 mars. Tél.: +31-71 516 31 63.

B onn

Trois expositions toutes très différentes. D’abord, l’invitation à pénétrer au coeur de la vie vénitienne et de ses palais constitue le thème de cette exposition qui mêle peintures, objets et témoignages. Du XIIIe au XIXe siècle, il y eut les moments bénis et les autres. Giorgione, Titien, Tintoret, Guardi, Canaletto sont présentés dans leur contexte d’origine ainsi que la célèbre collection de la famille Grimani.

Avec la complicité du Petit Palais de Paris, la deuxième exposition nous entraîne au coeur du XVIIIe siècle des sciences et de la galanterie française. Sous le faste du style rococo s’agite en effet une extraordinaire cohabitation entre la raison, la fable, l’exotisme et l’amour passionné de la nature. Notons, dans le même musée, une exposition des peintres expressionnistes du mouvement Die Brücke

Kunst- und Austellungshalle der Bundesrepublik Deutschland. Freidrich-Ebert-Allee, 4. Jusqu’au 12 janvier, 23 février et 6 avril. Tél.: +49-228 91 71 200.

Nord de la France Lumières et ténèbres de Bohême

Dans le cadre des manifestations françaises consacrées à la République tchèque, l’exposition de Lille est sans doute la plus fameuse. D’abord, par le cadre historique envisagé: l’époque baroque. Ensuite, par la dimension sociologique qui prépare le visiteur à la rencontre avec une culture qui, tout en intégrant les données d’un style né à Rome, produit une singularité qu’il s’agissait de mettre en valeur. Des saints patrons à l’art du verre, des projets de décor du Pont Charles à la personnalité du graveur Wenceslas Holar, tout est réuni pour garantir l’immersion.

Lille, palais des Beaux-Arts, place de la République. Jusqu’au 5 janvier. Tél.: +33-3- 20 06 78 00.

Images et textes dans l’art actuel

Un parcours historique des relations entre le mot et l’image, tracé par les cubistes d’abord, par les dadaïstes ensuite, et qui fut, à partir des années 1950, l’objet de bien des réflexions. En route, donc, vers une part importante de l’art de ces trente dernières années, avec des personnalités comme Dan Graham, Barbara Kruger, Claude Closky, Roni Horn…

Villeneuve-d’Ascq, musée d’Art moderne, 1, allée du Musée. Jusqu’au 19 janvier. Tél.: +33-3-20 19 68 68.

Léon Spilliaert

Le sous-titre de l’exposition, organisée en partenariat avec la Fondation Neumann (Suisse), Vertiges, exprime parfaitement la fascination qu’exerce l’oeuvre sur le spectateur. A mi-chemin entre expressionnisme et symbolisme, une cinquantaine de dessins, encres, pastels et aquarelles des années 1900-1917 ont été réunies.

Douai, musée de la Chartreuse, 130, rue des Chartreux. Jusqu’au 5 janvier. Tél.: +33-3-27 71 38 80.

Henri Moore

Le plus grand et, peut-être, le dernier des grands sculpteurs modernes (nous y reviendrons dans Le Vif/L’Express du 20 décembre).

Valenciennes, musée des Beaux-Arts, boulevard Watteau. Jusqu’au 17 mars. Tél.: +33-3-27 22 57 20.

Paris

Rappelons, d’abord, les « obligatoires »: Matisse-Picasso (au Grand Palais, jusqu’au 6 janvier), Constable, les choix de Lucian Freud(au Grand Palais, jusqu’au 13 janvier), Max Beckmann (au Centre Pompidou, jusqu’au 6 janvier), Matthew Barney (musée d’Art moderne, jusqu’au 5 janvier), Modigliani (musée du Luxembourg, jusqu’au 2 mars), Manet-Vélasquez (au musée d’Orsay, jusqu’au 6 janvier). Puis les découvertes bienvenues:

Kodiak, Alaska

Les objets rapportés d’Alaska par le savant français Alphonse Pinart à la fin du XIXe siècle sont une véritable révélation. Masques de bois au dessin très pur, vêtements en peau de poisson, parures, peintures. Un univers fascinant et totalement méconnu.

Musée national d’Afrique et d’Océanie, 293, avenue Daumesnil. Jusqu’au 20 janvier. Tél.: +33-1-43 46 51 61.

Harald Szeeman chez Victor Hugo

Le bouillonnant commissaire de la Biennale de Venise s’est penché sur la cas Hugo et, autour de l’oeuvre dessinée, dans la splendide maison du poète, a disposé des oeuvres significatives de 27 artistes (d’Antonin Artaud à Gary Hill, d’Etienne Martin à Adolf Wölfli, de Han Bellmer à Sooja Kim). Aubes. Rêveries au bord de Victor Hugoest une exposition comme on les aime: profonde, sensible et sans concession.

Maison de Victor Hugo, 6, place des Vosges. Jusqu’au 12 janvier. Tél.: +33-1-42 72 10 16.

Visions secrètes du Ve dalaï-lama

Très bien mise en scène, habilement pédagogique, l’exposition nous entraîne au coeur des rituels tibétains à partir de l’une des pièces majeures de l’art himalayen, les 56 feuillets des visions secrètes du Ve dalaï-lama (XVIIe siècle) et d’autres pièces et objets du culte.

Musée Guimet, 19, avenue d’Iéna. Jusqu’au 24 février. Tél.: +33-1-40 13 46 46.

Lanterna Magica

Un tour d’horizon des relations, en République tchèque, des artistes et de la technologie. Depuis les années 1920, associant le constructivisme et le surréalisme, les oeuvres produites éveillent le sens du magique. Lumières, musiques, vidéos, scénographies. Spectaculaire.

Espace Electra, 6, rue Récamier. Jusqu’au 5 janvier. Tél.: +33-1-53 63 23 45.

Le geste Kongo

Autour de la thématique du geste, le musée a réuni 110 pièces (dont une série prêtée par le musée d’Afrique centrale de Tervuren) de toute beauté, allant des fétiches à clous aux statuettes naturalistes d’un raffinement extrême. Une inhabituelle manière d’envisager le décodage de cet art à partir des regards et des poses. Passionnant.

Musée Dapper, 35, rue Paul Valéry. Jusqu’au 19 janvier. Tél.: +33-1-45 00 01 50.

Sophie Riestelhueber chez Zadkine

Voisin de l’atelier du sculpteur Zadkine, le jardin du Luxembourg est un lieu de souvenirs d’enfance pour la photographe Sophie Riestelhueber. La confrontation des deux artistes se cherche à travers des détails et des fragments portés au monumental par les formats et au spectaculaire par la mise en scène dans la maison-musée. Une rencontre sur fond d’angoisse et de blessures.

Musée Zadkine, 100 bis, rue d’Assas. Jusqu’au 23 février. Tél.: +33-1-55 42 77 20.

Dessins à Chantilly

Catherine de Médicis collectionna passionnément les portraits dessinés à la pierre noire et sanguine. Au total, plus de 500, dont une partie, d’abord acquise par des comtes anglais à un marchand qui les avait retrouvés à Florence, revint en France par l’intermédiaire d’Henri d’Orléans, duc d’Aumale, qui les légua au musée Condé. Nonante de ceux-ci, dont certains signés Jean et François Clouet, sortent pour la première fois de leur clandestinité.

Château de Chantilly. Jusqu’au 6 janvier. Tél.: +33-3-44 62 62 64.

Les événements plus lointains:

Nice

Reflets aussi somptueux que discrets de la vie de cour aux époques moghole, râjpoute, Deccan et Pahârî, les 70 miniatures indiennes choisies parmi les 1 450 que possède le musée San Diego (Etats-Unis) témoignent de la qualité de cet art du pinceau. Trois sections rythment la visitede cette exposition Pouvoir et désir: le souverain dans son palais, les amoureux dans le jardin, et les dieux (musée des Arts asiatiques, jusqu’au 24 février). Notons, dans la même région, une rétrospective César (Nice, jusqu’au 16 février), les mini-théâtres de Fausto Melotti (Antibes, jusqu’au 9 février) et la collection André du Bouchet (Toulon, jusqu’au 12 janvier) avec des oeuvres de Giacometti, Tal Coat, Bram Van Velde, Tapiès, Villon et de Staël.

Venise

Les Pharaons : une même question traverse toute l’exposition: qui étaient ces rois divinisés de l’Egypte ancienne? Une plongée éblouissante dans le temps et les divers aspects du pouvoir et des pratiques liées aux pharaons, de l’Ancien Empire à l’époque ptolémaïque. Des oeuvres et presque autant de chefs-d’oeuvre venus du monde entier (Palazzo Grassi, jusqu’au 31 décembre).

Madrid

Goya, d’abord, avec un ensemble de dessins préparatoires à la série de gravures réalisées autour du thème de la tauromachie. Hommage à Carlos De Haes, ensuite, un paysagiste belge installé en Espagne à la fin du XIXe siècle. Enfin, un panorama de la peinture de fleurs durant l’âge d’or espagnol, le XVIIe siècle de Zurbaran (musée du Prado, jusqu’au 2 février). Notons, dans la même ville, une exposition Turner et la mer (Fondation Juan March, jusqu’au19 janvier) et cette autre, de Robert et Sonia Delaunay (musée Thyssen-Bornemisza, jusqu’au 12 janvier).

Guy Gilsoul

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