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 » Les étrangers moins prompts à demander de l ‘aide…  » Vraiment ?

Comment les personnes âgées issues de l’immigration vivent-elles la démence ? Il semble que des préjugés limitent l’accès à une offre de soins adaptée à leurs besoins et à ceux de leurs aidants proches, d’après les responsables du projet de recherche européen Diverse Elderly Care.

Avec le vieillissement de la population, le nombre de personnes âgées souffrant de démence tend lui aussi à augmenter.  » Notre pays compte un nombre croissant de personnes âgées provenant d’autres pays, qui semblent plus sensibles à ce problème. Comment le gèrent-ils ? Quels sont leurs besoins en termes de soins ? C’est la question à laquelle nous avons voulu répondre au travers du projet Diverse Elderly « , expliquent Saloua Berdai Chaouni et Ann Claeys, toutes deux rattachées à la haute école Erasmus à Bruxelles. Saloua Berdai Chaouni est spécialiste en sciences biomédicales et gérontologie, Ann Claeys infirmière et gérontologue ; cinq années durant, elles ont étudié le vécu et la prise en charge de la démence chez les personnes âgées issues de l’immigration.

Les mêmes besoins en soins

Les deux spécialistes ont impliqué dans leurs recherches aussi bien des professionnels de soins que des personnes âgées et leurs aidants proches d’origines italienne, marocaine et turque dans leur parcours de prise en charge de la démence. Il est rapidement apparu qu’un certain nombre d’idées reçues devaient être rectifiées :  » Le premier de ces mythes est que les familles issues de l’immigration assurent généralement les soins elles-mêmes et sont réticentes à faire appel à des professionnels. Or, la réalité est plus nuancée, souligne Ann Claeys. Elles ont en effet besoin d’aide et d’un soutien professionnel pour alléger la charge que représente l’encadrement d’un parent âgé, mais l’offre actuelle ne répond pas suffisamment à leurs aspirations. Il arrive ainsi qu’elles sollicitent une aide, puis y renoncent parce que les soins sont minutés et manquent de chaleur humaine. La réaction de nombre d’aidants proches est que si c’est tout ce qu’ils peuvent attendre des professionnels, ils préfèrent s’occuper eux-mêmes de leurs proches vieillissants.  »

 » On part aussi souvent du principe que les personnes âgées allochtones ont des besoins différents, fortement déterminés par leur religion ou leur culture, enchaîne Saloua Berdai Chaouni. Là encore, c’est une idée fausse ou à tout le moins partiale, qui se focalise uniquement sur leur ‘différence’. Ces familles sont confrontées aux mêmes besoins et aux mêmes obstacles que n’importe qui (comme le dédale de l’administration ou la place insuffisante accordée aux aspects humains des soins), mais ceux-ci sont encore compliqués par leur bagage migratoire.  »

Méconnu, mal-aimé

Un autre aspect qui entre en jeu est la relative méconnaissance, dans ce public, de l’offre de soins qui existe pour les personnes âgées.  » Il s’agit de la 1re génération qui est confrontée aux pathologies liées à l’âge dans notre pays, souligne Saloua Berdai Chaouni. Ces personnes n’ont donc pas d’exemples dans leur propre réseau, pas de points de référence auxquels se raccrocher. Leur expérience se limite surtout aux soins purement médicaux – médecins et hôpitaux. Les centres d’accueil de jour, résidences-services, soins de nuit ou services de répit restent des concepts largement inconnus. Leur image des maisons de repos se base en outre souvent sur celle des structures de leur pays d’origine, dont la réputation n’est pas toujours glorieuse. La manière dont se déroulera la prise en charge de la démence dépendra donc beaucoup de la rencontre avec un prestataire susceptible de participer à la réflexion et de les aider à donner une forme concrète à la prise en charge.  »

 » Le renvoi aux acteurs adéquats revêt une importance cruciale et sur ce plan, les professionnels peuvent faire toute la différence, ajoute Ann Claeys. Si vous ne savez pas qu’une aide existe, vous n’y ferez évidemment pas appel. Nous avons vu des exemples particulièrement criants, comme celui de cette famille qui encadrait un parent dément depuis des années et avait des contacts réguliers avec la mutuelle… mais à qui personne n’avait jamais dit qu’il existait un remboursement pour le matériel d’incontinence !  »

Des soins axés sur la demande

Les prestataires de soins se plaignent souvent de ne pas parvenir à toucher les familles issues de l’immigration. Pourtant, Saloua Berdai Chaouni et Ann Claeys sont convaincues que c’est parfaitement possible moyennant une approche adéquate.  » Nous avons besoin d’un nouveau modèle de soins, estime Ann Claeys. Les structures classiques fonctionnent d’une manière trop axée sur l’offre : ‘voilà ce que nous proposons, faites votre choix’. Pour répondre aux besoins personnels des patients, il faut des soins davantage axés sur la demande. Dans le cadre de nos travaux, nous avons certes rencontré quelques initiatives à petite échelle et prestataires individuels qui proposaient des soins sur mesure, mais il faudrait une approche plus structurelle en ce sens au niveau politique.  »

 » Il est important que le soignant soit désireux d’aborder le patient atteint de démence en tant que personne, en se montrant respectueux de et attentif à son environnement et à son parcours de vie. Il pourra ainsi se développer une relation de soins chaleureuse où les obstacles et les différences peuvent être surmontés « , conclut Saloua Berdai Chaouni.

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