Les destins croisés d’Inarritu

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Le réalisateur d’Amours chiennes et 21 grammes a le réalisme visionnaire dans l’émouvant Babel, où le mythe biblique s’incarne dans le monde d’aujourd’hui

Organique et poétique, réaliste et visionnaire à la fois, l’art d’Alejandro Gonzales Inarritu aime se colleter aux aspérités du monde, aux épreuves imposées à l’homme et à sa capacité à les surmonter. Croisant les destins de personnages différents et multiples au gré d’une dramaturgie éclatée en termes chronologiques, les scénarios fignolés pour le jeune cinéaste mexicain par son compatriote et complice en écriture Guillermo Arriaga (1) participent d’une quête existentielle mais aussi sociale. Et la mise en scène pleine de force et de style d’Inarritu en tire à chaque foi un parti intense. Babel clôt la trilogie entamée par Amours chiennes, en 2000, et poursuivie trois ans plus tard avec 21 grammes. Le film s’inspire en partie, et très librement, du récit biblique de la tour de Babel, que les hommes auraient bâtie pour atteindre le paradis, projet qu’un Dieu courroucé condamna en faisant parler chacun dans une langue différente, ce qui empêchait toute communication et orientation commune…

 » J’ai voulu explorer les barrières qui divisent l’humanité, notre incapacité à nous comprendre les uns les autres « , explique le réalisateur, qui fait d’un coup de feu tiré dans le désert marocain le déclencheur d’une série d’événements qui vont impliquer un couple de touristes américains (joués par Brad Pitt et Cate Blanchett), deux jeunes Maghrébins auteurs d’un crime involontaire, une adolescente japonaise rebelle dont le père est recherché par la police et, enfin, une nourrice mexicaine chargée de la garde provisoire de deux enfants américains.  » Tous seront affectés par des événements se déroulant sur des continents éloignés, tous pourront mesurer la solitude d’un monde où nous nous retrouvons bien souvent non seulement étranger aux autres mais aussi à nous-mêmes « , précise Inarritu, qui désire faire de son film  » une expérience littéralement bouleversante, qui nous mette dans la peau de l’Autre et nous fasse mesurer que l’espoir subsiste, que l’amour existe encore, que des liens peuvent et doivent être tissés pour émerger de la confusion violente de notre temps « . Noble intention que celle-là, et Babel, beau film épique et pourtant intimiste, révèle une émotion solidaire qui se cheville au regard sans lui faire perdre sa lucidité critique.

(1) Egalement auteur du script de Trois enterrements pour Tommy Lee Jones.

Louis Danvers

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