Les damnés du made in China

Christine Kerdellant

Le photographe Samuel Bollendorff est entré dans ces usines qui fabriquent des jouets pour le monde entier. Et où des ouvrières triment dans des conditions d’un autre âge. Un témoignage choc sur les oubliés de la croissance.

Comment échapper aux jouets made in China ? Ce Noël, ils représentent 80 % de l’offre mondiale ! Les acheteurs seront pourtant sensibles aux étiquettes cette année, car les Barbie et les Winnie qui arrivent de l’empire du Milieu font peur : Mattel et les autres multinationales du jouet ont rappelé, ces derniers mois, des millions d’articles défectueux. Mais ces camions miniatures et ces figurines mis hors circulation, souvent en raison de leur concentration en plomb, ne menaçaient pas seulement nos chères têtes blondes : ils sont aussi dangereux pour ceux et celles qui les fabriquent : dans les usines chinoises, des ouvrières payées 30 A par mois travaillent douze heures par jour dans des vapeurs de solvants. Des jeunes femmes que personne ne protège : quand elles s’évanouissent deux fois dans la même journée, elles sont licenciéesà

En Chine, 400 millions d’habitants des campagnes vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Pour payer les frais de scolarité de leurs enfants ou simplement survivre, ils migrent à l’intérieur de leur propre pays et deviennent des mingong, des ouvriers volants sans permis de travail. Pour eux, les usines de jouets demeurent des eldorados.

Samuel Bollendorff, un photographe franco-luxembourgeois de 33 ans, dont le dernier reportage a été exposé au Festival du photojournalisme de Perpignan, s’est introduit dans plusieurs usines du bassin de Shenzhen. Dans cette région, des centaines de sous-traitants produisent des jouets pour le compte des grandes firmes occidentales. C’est d’ici que proviennent ceux qui ont été rappelés.

Samuel Bollendorff a échappé à la surveillance dont les journalistes font l’objet pour parler sans témoin avec quelques-unes de ces ouvrières exploitées, interchangeables et dénuées de protection sociale. Car, s’il existe bien une législation sociale en Chine, elle est essentiellement appliquée dans les filiales de sociétés occidentales ; le serait-elle partout que des tensions graves se feraient jour sur le marché du travail. Loin de la  » vitrine  » de Pékin ou de Shanghai, les témoignages visuels qu’il a recueillis montrent que la fragilité de cette Chine à deux vitesses, faite d’îlots développés dans un pays sous-développé, réside plus que jamais dans son système social. Or c’est sur lui que repose le  » miracle économique chinois « . l

Christine Kerdellant

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