Les Carolos mènent la danse!

Barbara Witkowska Journaliste

Le chorégraphe français Thierry Thieû Niang offre une nouvelle lecture du Sacre du printemps en y faisant participer quinze habitants de Charleroi âgés de 8 à 65 ans.

Quand, au printemps 1913, Igor Stravinsky lança à Paris la bombe du Sacre du printemps, dans une chorégraphie de Vaslav Nijinski, il ne se douta pas qu’il allait déclencher l’un des plus grands scandales artistiques du XXe siècle. Conspué par le public et foudroyé par la critique, Le Sacre est pourtant devenu un mythe et un paradoxe vivant. En un siècle, il engendra plus de 200 relectures de l’oeuvre ! Aujourd’hui, c’est au tour de Thierry Thieû Niang d’en donner sa propre interprétation.

Chorégraphe, danseur et metteur en scène français, Thierry Niang aime des projets sortant des sentiers battus où il implique amateurs, adolescents, seniors ou personnes autistes.  » En 2006, j’ai créé à Marseille l’Atelier du regard avec des seniors âgés entre 65 et 80 ans, souffrant de pathologies et d’handicaps liés à l’âge, commente-t-il. Le vieillissement de la population est un phénomène de société et l’activité des seniors pose un certain nombre de questions. Nous travaillons une fois par mois sur le corps et sur le mouvement, notamment en ville. Le groupe s’est pris au jeu et a exprimé l’envie de monter un vrai spectacle. J’ai suggéré Le Sacre, car à l’automne de la vie il est intéressant de danser sur le printemps de la vie. La version est celle de Pierre Boulez, assez aérée, au tempo plus lent.  »

En avant, marche !

Thierry Niang a conçu une version assez radicale en faisant appel à une forme de mouvement que les seniors pratiquent beaucoup : la marche. Un marathonien de 68 ans est devenu Chronos, dieu du Temps. Pendant 58 minutes, il court à l’inverse des aiguilles d’une montre, pour remonter le temps. Dans son sillage, 25 personnes marchent, se précipitent, s’arrêtent, forment des rondes, génèrent un mouvement continu dans l’espace et effectuent une dizaine de gestes quotidiens qui forment la chorégraphie.  » Petit à petit, les gens se dépouillent et les individus apparaissent de façon bouleversante, débarrassés de sacrifices, poursuit Thierry Niang. Au fur et à mesure, les danseurs s’en vont, se mettent sur les côtés et regardent ceux qui restent. Chez moi, on laisse sa place, sans se sacrifier comme c’est le cas chez Stravinsky. A la fin, les participants se mettent face au public et le regardent.  »

En deux ans, … du printemps ! a été présenté une cinquantaine de fois, a triomphé au Festival d’Avignon et débarque pour une seule et unique représentation à Charleroi. Thierry Niang emmène dix Marseillais et étoffe la troupe par quinze Carolos ! Le concept, légèrement modifié, fait appel à quatre générations. Enfants, ados, adultes et seniors ont promptement répondu à l’appel. Beata Carli, jeune retraitée de 62 ans, a vu le spectacle sur Arte :  » C’était beau à en pleurer ! Personnellement, je trouve la musique de Stravinsky un peu angoissante, je préfère Vivaldi, mais je me suis décidée tout de suite. Un bonheur pareil n’arrive qu’une seule fois dans la vie.  » Jean-Claude Haelterman, 62 ans, entre dans la danse car il aime s’impliquer dans tous les projets culturels de  » sa  » ville bien-aimée. Garance Dehon, 15 ans, familière des arts de la scène, a été séduite par cette expérience dansée car elle permet d’être différent de ce qu’on est et de s’exprimer avec son corps. Quant à la benjamine, Lou Bonci, 8 ans, elle ne cache pas son enthousiasme :  » Thierry nous a expliqué qu’on allait beaucoup marcher et être habillé de noir et ça me plaît. Et puis, c’est bien de danser avec des personnes plus âgées car ça change un peu ! « 

…du printemps !, le 21 mars, à 20 h 30, aux Ecuries, à Charleroi. www.charleroi-danses.be

Barbara Witkowska

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