L’Enfer de Block

Un an après le 11 septembre 2001, la mission purificatrice d’un serial killer dans la nuit new- yorkaise : Lawrence Block en très grande forme

Lendemains de terreur, par Lawrence Block. Trad. de l’américain par Etienne Menanteau. Seuil, 464 p.

Quand on a pour livre de chevet A la recherche de Mr Goodbar, on ne doit pas s’étonner de finir assassinée par un inconnu de rencontre après une soirée dans un bar sordide. Qui a étranglé Marilyn Fairchild, l’agent immobilier dragueuse de bas-fonds ? Avocat sans égal dans la défense des criminels indéfendables, belle galeriste vouant un culte aux peintres autodidactes, ex-junky gay devenu homme de ménage ou ancien chef de la police briguant la mairie de la City, tous ceux qui gravitent à titre amical ou professionnel autour de l’affaire sont d’accord : si le suspect n° 1 du meurtre est un romancier sans public, il y a deux coupables et l’un d’eux s’appelle New York.

En effet, gare à qui vient se brûler les ailes, à l’heure du crime, dans la cité sans voiles de l’alcool, de la drogue, de la luxure et du stupre : victimes de ses charmes noirs, les malheureux papillons de nuit s’aperçoivent trop tard que la Grosse Pomme est empoisonnée. N’est-il pas temps de la purifier ? C’est la mission que se donne, un an après le 11 septembre 2001, l’autre coupable, un tueur christique, amateur de vieux films, de vieux cinémas et d’actualités récentes. Hallucinante figure du Mal : on n’a pas croisé serial killer plus impressionnant depuis Le Silence des agneaux.

Les nuits blanches, les aubes cafardeuses et les lendemains de crime, Lawrence Block connaît. Il en est même le spécialiste. Né en 1938, l’admirable romancier de Huit Millions de façons de mourir, du Blues du libraire ou de Cendrillon, mon amour a une tendresse pour les Alcooliques anonymes, les littérateurs ratés et les toiles de Mondrian. Un soir à la morgue, la veille aux abattoirs, jamais loin du cimetière, cet ancien directeur littéraire aligne depuis plus de quarante ans les pseudos, les récompenses, les succès et les réussites, passant de l’horreur à l’humour, du pavé à l’opuscule, du thriller black de black au récit d’espionnage. Ses Lendemains de terreur, classiques sur le fond, cossus par la facture, changent New York en puzzle érotique, obsédant, d’une construction parfaite, à l’angle de la rue Ed McBain et de L’Enfer de Dante. l

Michel Grisolia

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