L’écriture pour enjeu

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Emmanuel Bourdieu signe avec Les Amitiés maléfiques une ouvre forte et passionnante, plongeant dans les relations troubles de quelques étudiants en lettres

Ces amitiés un peu troubles qui se nouent au moment de la transition entre adolescence et âge adulte ont été le premier sujet du film, explique Emmanuel Bourdieu. Ce n’est qu’ensuite qu’est venu s’y greffer celui de l’écriture, de l’entrée en littérature.  » Le jeune cinéaste français, coauteur du scénario avec Marcia Romano, a donc situé l’action de son film dans le cadre d’une faculté de lettres où un étudiant particulièrement charismatique et brillant capte – dès le jour de la rentrée universitaire – l’attention de deux jeunes camarades qui tombent sous son emprise. André (joué par Thibault Vinçon, stupéfiant) sera le phare exigeant d’Eloi et d’Alexandre, leur critique le plus sévère, une manière de démiurge dont la trajectoire finira par révéler la nature profonde, tout comme leur évolution montrera qui sont vraiment ses deux fidèles admirateurs…

Présenté en ouverture de la Semaine de la critique au dernier Festival de Cannes, Les Amitiés maléfiques a ébloui critiques comme public par sa force et son originalité, par l’alliance aussi et surtout d’un propos passionnant et d’une forme remarquable. Loin des clichés d’un certain cinéma littéraire ampoulé, bavard et guetté par la préciosité, le second long-métrage d’Emmanuel Bourdieu (après un Vert paradis resté inédit chez nous) joue la carte d’une réalisation énergique, filmant des personnages constamment en mouvement et qui cherchent les lignes de fuite dans un dispositif formel qui rappelle moins la tradition française que les films de Martin Scorsese.  » C’est avec ce cinéma-là que j’ai grandi, explique le jeune metteur en scène, et je considère Le Temps de l’innocence ( NDLR : The Age of Innocence, transposant en 1993 le roman d’Edith Wharton) comme une des plus belles adaptations littéraires jamais vues à l’écran !  »  » Un propos ne s’incarne qu’à travers une forme, poursuit Bourdieu. Si vous voulez par exemple ressentir l’impression subjective d’un personnage, vous pouvez bien sûr filmer un plan de son point de vue, en identifiant la caméra à son regard. Mais pourquoi ne pas filmer au contraire le personnage de face, avec, en amorce, celui ou celle qui provoque son impression. Dans mon film, j’ai par exemple volontiers fait des cadres où la caméra se trouve derrière André et où le dos de ce dernier envahit l’image, réduisant la place laissée à ses disciples subjugués…  » Cela s’appelle l’intelligence du style, et Les Amitiés maléfiques l’exprime avec la même éloquence qui marquait le superbe et sous-estimé Esther Kahn, d’Arnaud Desplechin, un film dont… Emmanuel Bourdieu était le scénariste.

Louis Danvers

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