Le vélo évite une crise

Alexandre Charlier
Alexandre Charlier Journaliste sportif

Le ProTour ne plaît pas. Mais l’épreuve de force entre les équipes et les dirigeants n’a pas accouché d’un boycott. Les meilleurs pédaleront entre Paris et Nice

Un sprint de neuf heures à Zaventem lundi 5 mars et un communiqué victorieux derrière la ligne d’arrivée. Le monde du vélo a évité la brutale sortie de route. Une de plus… Le boycott du Paris-Nice par certaines équipes les plus en vue du peloton et, plus tard, d’autres épreuves prestigieuses inscrites au calendrier de la saison naissante était en jeu. C’était la réunion de la dernière chance, selon la formule consacrée. Elle rassemblait, à gauche, les patrons de l’UCI (Union cycliste internationale), à droite, les directeurs des grands tours (Tour de France, Giro italien, Vuelta espagnole) ; et, au milieu, les représentants des équipes professionnelles. Ces derniers dénoncent, depuis des années, le mode de fonctionnement fermé du ProTour , circuit imaginé dans le (vain) espoir de booster le vélo médiatiquement et financièrement.

Le problème est que le ProTour ne plaît pas. Aux coureurs, aux organisateurs et même aux précieux sponsors qui commencent à se raréfier dans un sport gangréné par le dopage. C’est même une guerre depuis trois ans, émaillée de menaces, coups de gueule, communiqués agressifs et définitifs, et autres dérapages pas toujours contrôlés. Aussi, à la veille de la Course au soleil azuréen, dont le départ est donné le dimanche 11 mars, RCS Sport, ASO et Unipublic, soit les dirigeants des sociétés organisatrices des trois grands tours et de huit autres grandes épreuves reprises depuis deux ans dans le circuit ProTour (Paris-Nice, Tirreno, Milan-Sanremo, Paris-Roubaix, Flèche wallonne, Liège-Bastogne-Liège, Paris-Tours et Tour de Lombardie) avaient réitéré leur volonté de ne pas adhérer l’an prochain au ProTour. Un coup de force assorti de conditions : pouvoir choisir les équipes qui participent aux épreuves. Le nouveau conflit avait été déclenché par la décision de la société ASO, organisatrice de Paris-Nice et du Tour de France, de ne pas sélectionner l’équipe Unibet. com, dont le sponsor (paris sportifs en ligne) est illégal en France. L’UCI avait répliqué en interdisant la course ! Et son président, Pat McQuaid, avait envoyé, dans la foulée, à toutes les équipes une lettre sans équivoque :  » Si elles disputaient Paris-Nice et acceptaient le chantage d’ASO, le ProTour serait mort.  »

Querelles et batailles

Le grand public n’a que faire de ces rudes querelles et batailles dans les hautes sphères du vélo. Quant aux coureurs, ils sont une fois de plus pris en otage. Le coureur français Didier Rouss (Bouygues Telecom) résume parfaitement le malaise du peloton :  » On prend à c£ur toutes les courses auxquelles on participe mais c’est vrai que, quand je vois la tournure prise par les événements, je n’ai pas forcément plaisir à y aller. Le ProTour, et je le regrette, n’est pas une organisation qui aide le vélo. Ça aide plutôt certaines personnes à augmenter leur capital ou leur pseudo-richesse.  »

Paris-Nice, reluisante course par étapes, aura donc bien lieu. Et voici, grace à l’accord passé à Zavemtem, le vélo (provisoirement) sorti de la crise qui menaçait le déroulement de la saison.  » Nous avons trouvé une solution à l’amiable pour l’ensemble de la saison 2007, tout en prévoyant un mécanisme de recherche d’une solution à long terme, indique prudemment un communiqué commun. Je suis heureux que le sport soit sorti de cette crise et me tourne vers une saison où le cyclisme doit être la priorité, se félicitait pour sa part Pat McQuaid, président de l’UCI. Du côté des équipes, on ne sautait pas de joie mais on se voulait pragmatique : Il y a un consensus pour le moment et nous pouvons nous en satisfaire, résumait le président du groupement des équipes, Patrick Lefevere, également manager de l’équipe Quick-Step-Innergetic.

Cette guerre d’influence et ces conflits d’intérêts divergents entre les acteurs de terrain, et les instances dirigeantes et institutionnelles ne sont certainement pas le propre du cyclisme. Michel Platini, le nouveau patron du football européen, connaît bien les menaces qui pèsent sur les compétitions interclubs UEFA. La Ligue des champions n’est certes pas le ProTour, mais les dirigeants des clubs parmi les plus riches du Vieux Continent, réunis au sein du G14, se rencontrent régulièrement pour mesurer les conséquences d’une éventuelle remise en cause du système…

Alexandre Charlier

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