" Les stades précurseurs du cancer du col de l'utérus se rencontrent moins chez les femmes vaccinées. Démontrer qu'elles ont aussi un risque moindre de cancer n'était qu'une question de temps. " Deborah Konopnicki, cheffe de clinique du service des maladies infectieuses de l'hôpital Saint-Pierre à Bruxelles. © GETTY

 » Le vaccin HPV peut éradiquer le cancer du col de l’utérus « 

Depuis son introduction en 2006, le vaccin contre le papillomavirus humain (HPV) qui protège les jeunes filles contre le cancer du col de l’utérus a déjà sauvé bien des vies de femmes. Un programme de vaccination bien pensé pourrait même déboucher sur l’éradication presque complète de ce type de tumeur! – BODYTALK ET MSD (MERCKetCO AUX ÉTATS-UNIS

Plus de 600 diagnostics de cancer du col de l’utérus sont posés chaque année dans notre pays (634 en 2018), principalement chez des femmes âgées de 30 à 70 ans. Un peu moins de 200 n’y survivront pas. Dans 99% des cas, la maladie résulte d’une infection par le papillomavirus humain, un virus que la plupart des hommes et des femmes contracteront durant leur vie. Le plus souvent, elle ne provoque aucun symptôme et guérit spontanément. Mais parfois, le virus reste présent à l’état latent dans le col de l’utérus et le tissu affecté dégénère progressivement en tumeur maligne.

Ce processus s’étale sur plusieurs années et passe par une série de stades précurseurs où il n’est pas encore question de cancer, mais bien d’une situation pouvant évoluer dans ce sens. Ces lésions précancéreuses peuvent être dépistées par frottis vaginal, un examen préventif à réaliser tous les trois ans chez les femmes de 25 à 65 ans par le médecin de famille ou le gynécologue. À ce stade, les lésions peuvent être facilement éliminées par une petite opération chirurgicale (conisation). Mais dès le moment où un cancer se déclare, les perspectives sont en revanche beaucoup moins bonnes.

Une autre approche, d’autres chiffres

En Flandre, les adolescentes sont vaccinées en 1ere secondaire depuis 2010 ; en Wallonie, elles le sont en 2e année depuis 2011. La vaccination se fait en deux doses, administrées à six mois d’intervalle. Depuis 2019, les garçons aussi sont vaccinés de façon systématique à l’école (voir cadre).

À ses débuts, le vaccin HPV a fait l’objet de nombreuses rumeurs. Les réseaux sociaux ont relayé toutes sortes de mythes concernant sa sécurité, suscitant des réticences chez certains parents. Cette méfiance est plus marquée en Belgique francophone qu’en Flandre, ce qui se traduit par un taux de couverture sensiblement plus faible: alors que 91% des jeunes sont vaccinés dans le Nord du pays, cette proportion est d’à peine un tiers dans le Sud.

D’après la Pr Deborah Konopnicki, cela s’explique par plusieurs facteurs: « Le vaccin HPV est administré dans le cadre de la médecine scolaire. En Flandre, tous les adolescents et adolescentes seront vaccinés par défaut, à moins que leurs parents ne s’y opposent de façon explicite. Côté francophone, en revanche, les parents doivent explicitement marquer leur accord. » Un procédé que la spécialiste juge d’autant plus malheureux que le suivi à ce niveau n’est pas toujours efficace. Un autre obstacle majeur est qu’en Belgique francophone, les moyens dévolus à la médecine scolaire ne sont pas toujours suffisants pour organiser la vaccination. « Et puis il y a l’influence de la France, où le mouvement d’opposition à la vaccination génère des inquiétudes injustifiées envers le vaccin HPV, pouvant renforcer les doutes des Wallons et Bruxellois. »

Preuves à l’appui

« Des recherches antérieures nous ont appris que les stades précurseurs du cancer du col de l’utérus se rencontrent moins chez les femmes vaccinées. Démontrer qu’elles ont aussi un risque moindre de cancer n’était qu’une question de temps. » Cet effet extrêmement bénéfique de la vaccination contre le HPV sur la prévention du cancer du col de l’utérus n’étonne absolument pas le Pr Konopnicki. « Ce résultat était attendu. »

Il s’écoule facilement quelques décennies entre la vaccination contre le HPV, vers 12 ans, et la survenue d’un cancer du col (généralement après l’âge de 30 ans). Il a donc fallu un certain temps pour que les effets du vaccin sur la prévention du cancer puissent être confirmés. C’est désormais chose faite. En 2020, une éminente revue scientifique a en effet publié les résultats d’une étude suédoise portant sur environ 1,6 million de femmes entre 2006 et 2017 ; plus d’un demi-million avaient reçu le vaccin HPV tandis que les autres n’avaient pas été vaccinées. L’immunisation des femmes de 17 à 30 ans contre le HPV débouchait sur une diminution de 53% du risque de cancer du col invasif en comparaison avec le groupe non vacciné Et lorsque le vaccin était administré avant l’âge de 17 ans, cette réduction atteignait même 88%! Le Pr Pierre Van Damme, directeur du centre d’évaluation des vaccins de l’université d’Anvers, le confirme: « Cette étude de suivi suédoise démontre que, en plus du dépistage, un programme de vaccination bien conçu pourrait presque complètement éradiquer le cancer du col de l’utérus. »

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