Le terrible destin de Walter, né à Wégimont

Je pense être né en juin 1943 plutôt que le 1er janvier 1944, comme l’affirment les documents. Et Beausert n’est probablement pas mon vrai nom.  » Les premières années de la vie de Walter Beausert sont restées longtemps une énigme. Pour la résoudre, cet ancien technicien en électronique installé dans la Meuse (France) a mené sa propre enquête. En 1992, l’orphelin a pu consulter son dossier personnel, l’administration française assouplissant les  » conditions d’accès aux origines  » pour les orphelins. Il apprend qu’il a transité à Steinhöring, en Allemagne, en 1945, avant d’être  » rapatrié  » à Commercy (Meuse) et confié à l’Assistance publique.

Il sollicite alors le Service international des recherches de la Croix-Rouge, qui lui répond qu’il est  » né le 1.1.1944 au home  »Lebensborn » de Wégimont, Belgique « . En 1994, grâce à un avis de recherche lancé en Belgique, il retrouve trois femmes qui ont travaillé avec sa mère au château. Employée dans les cuisines, Rita, sa mère, avait 17 ans à sa naissance et avait déjà eu un autre enfant d’un soldat allemand. Walter parvient à localiser Rita P. à Spa, à une trentaine de kilomètres de Wégimont. Il sonne un soir chez elle.  » Elle n’a pas prononcé la phrase que j’attendais :  »Tu es mon fils… » Mais elle ne lâchait pas mon bras. Et elle m’a livré tellement de détails. « 

En 1941, Rita a rencontré un caporal de la Wehrmacht, qui lui fait deux enfants. En novembre 1943, Hans, le père, est envoyé sur le front russe, où il est fait prisonnier par les Soviétiques. La paix revenue, il rentrera en Allemagne et se mariera en 1949 dans ce qui est devenu la RDA.

Enlevé à sa mère

Le 1er septembre 1944, à l’approche des troupes américaines, les SS décident d’évacuer la maternité Ardennen. Dans la précipitation, ils embarquent tous les petits. Le fils aîné de Hans et Rita, âgé de 3 ans, est à l’abri chez ses grands-parents, à Soumagne-Bas. Mais le second, Walter, resté avec sa mère au château de Wégimont, où elle le transporte toute la journée dans un couffin, est kidnappé par les SS et emmené en Allemagne, jusqu’à la maison mère bavaroise du Lebensborn.

A 88 ans, Mariette Bodeux, l’une des employées belges qui servait les repas aux mères et aux officiers, se souvient du jour de la terrible séparation :  » Ce jour-là, les Allemands s’activaient dans tous les sens. Ils ont fait monter les enfants dans un grand car. Les mamans étaient à la porte du château. Elles pleuraient, car elles n’avaient pas le droit d’aller avec eux. Un Allemand est venu arracher Walter des bras de Rita. Elle hurlait, elle criait qu’on lui volait son enfant… « 

Une semaine après le départ du convoi, les Américains installent un QG provisoire au château. Ils sont sidérés par le récit des habitants de Soumagne et surnommeront l’endroit la  » baby factory « . Walter, lui, sera recueilli fin 1945 par une équipe des Nations unies au couvent d’Indersdorf. Il ne sera  » rapatrié  » d’Allemagne qu’en 1946, pour être confié arbitrairement à l’Assistance publique française dans la Meuse. Il n’apprendra la vérité qu’un demi-siècle plus tard.

O.R.

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