Quand François Liénard fait se rencontrer Vermeer et un Christ médiéval en bois.

Le Tendre – François Liénard (2018)

« Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie. » On connaît le plaidoyer pour le beau bizarre tel qu’il a été formulé au XIXe siècle par Lautréamont. C’est dans cette même lignée que s’inscrit François Liénard (Borinage, 1967), plasticien et activiste culturel versé dans le collage. « Notre père à tous, c’est Max Ernst », confie-t-il pour que tout un chacun prenne bien la mesure de l’ombre surréaliste qui plane sur son travail. Lassé par l’omniprésence d’une version selon lui « beaucoup trop journalistique » de l’art contemporain, celui à qui l’on doit le projet éditorial L.E.Q.C.D.N.A.C.P. (Les Editions Qui Changent De Nom A Chaque Parution) prend un malin plaisir à dérouter le regardeur. Ses oeuvres font se percuter les styles, les périodes et les genres sans aucun respect des hiérarchies – raison pour laquelle il est possible de croiser le sergent Chesterfield et le caporal Blutch, protagonistes de la bande dessinée Les Tuniques bleues, dans le décor champêtre d’une toile hollandaise du XVIIIe siècle.

Avec Le Tendre, Liénard fait se rencontrer Vermeer et un Christ médiéval en bois. Cette étonnante reterritorialisation manuelle invite à une contemplation dans le détail. Car derrière le choc initial, le clash chronologique, est dissimulée une harmonie formelle qui s’amuse des couleurs et des lumières. « C’est en promenant une pièce découpée sur un décor que soudain les évidences m’apparaissent. Je suis guidé par ma main, je ne sais pas ce que cela raconte mais ça fonctionne, le reste appartient au visiteur », explique ce fan de death metal. De fait, lorsque l’on découvre Duo, une exposition écrite à quatre mains, on ne peut que souscrire à cet art consommé du télescopage dans la mesure où ces insertions d’image dans l’image sont telles que l' »on y croit ». On note également les titres chocs – Le Bain de boue, La Sauvageonne, Les Ravages de la modernité – et la convergence naturelle avec les oeuvres sentant la sapinière et le clown triste de l’artiste-couteau suisse Daniel Daniel.

Au Château Gilson, à La Louvière, jusqu’au 6 juin.

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