Le  » secret des sources  » est acquis

Votée à l’unanimité en commission, une proposition de loi permet aux journalistes de taire l’origine de leurs informations

Faudrait-il ne publier que des informations officielles ? Dans un pays où la presse est libre, la question a l’air d’une boutade. Elle se pose pourtant sérieusement chaque fois qu’un journaliste est sommé par la justice de révéler ses sources, sous peine, sinon, d’être emprisonné, perquisitionné, mis sur écoute, voire inculpé de complicité de vol ou de recel de document volé. En Belgique, cela n’arrive pas tous les jours, bien sûr. Mais quand même une douzaine de fois ces vingt dernières années.

Position impossible pour les journalistes : la loi leur impose de parler et leur déontologie de se taire lorsque la source l’exige ou lorsqu’elle doit être protégée ! Dans les faits, la jurisprudence n’a cessé d’évoluer vers une reconnaissance du droit de se taire. On le doit essentiellement à William Goodwin, un journaliste britannique qui n’imaginait pas que son nom allait connaître une telle notoriété européenne. Il avait été condamné, en première instance et en appel, pour avoir refusé de livrer un informateur. Renversement de situation à Strasbourg, en mars 1996 : la Cour européenne des droits de l’homme condamnait le Royaume-Uni et soulignait que le secret sur les sources est  » la pierre angulaire de la liberté de la presse « . L' » arrêt Goodwin  » allait lier plus ou moins la justice belge, mais la loi restait la loi.

Cela va changer. Le 24 mars, la commission de la justice de la Chambre a adopté à l’unanimité des 12 membres présents la proposition de loi amendée de Geert Bourgeois (N-VA) qui organise la protection du secret des sources. Le droit de se taire (et non le devoir comme pour le secret professionnel classique) porte sur les sources au sens large (les personnes, les provenances ou les documents eux-mêmes). Il s’applique aux journalistes professionnels, mais aussi à ceux qui collaborent occasionnellement à un média.

Exception au principe : le  » secret des sources  » ne sera pas reconnu lorsqu’il s’agit de prévenir (et seulement dans ce cas) une atteinte à l’intégrité physique des personnes et, dans certaines limites, à la sécurité de l’Etat. Pour le reste, le journaliste n’est pas protégé s’il commet lui-même une infraction (vol, corruption…) pour obtenir une information.

Lorsque le projet sera voté en séance plénière, la Belgique aura ainsi rejoint la France et l’Allemagne dans la protection des sources. Le débat sur ce thème était en cours chez nous depuis plus de vingt ans…

Jean-François Dumont

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