Le scandale du sang multivitaminé

Alexandre Charlier
Alexandre Charlier Journaliste sportif

Les deux grands favoris de l’épreuve, l’Allemand Jan Ullrich et l’Italien Ivan Basso, sont privés de Tour de France. Le dopage sanguin semble à nouveau faire des ravages dans le cyclisme

Fuentes n’est pas une marque de montres. C’est le nom d’un médecin madrilène,  » cerveau  » d’un vaste réseau de dopage  » multisports  » organisé depuis l’Espagne. Huit ans après l’affaire Festina, le cyclisme, par le biais de son plus prestigieux ambassadeur, le Tour de France, est secoué par un nouveau séisme. Oui, des coureurs continuent de se doper. Non, ce n’est pas  » à l’insu de leur plein gré « . Et les tricheurs ne sont pas des joyeux comiques amateurs de kermesses, mais des champions de tout premier plan.

Le 30 juin, la justice espagnole a rendu indirectement publique, via la société qui organise le Tour de France, une liste de 50 cyclistes convaincus de dopage. Parmi eux, deux coureurs qui pédalaient l’année passée encore  » dans la roue  » du désormais retraité Lance Armstrong, septuple vainqueur du Tour. Sur cette liste, on retrouve notamment l’Allemand Jan Ullrich (T-Mobile, une fois vainqueur et cinq fois deuxième à Paris), l’Italien Ivan Basso (CSC, vainqueur du Tour d’Italie 2006), mais aussi Oscar Sevilla et Francesco Mancebo. Au total, 13 coureurs ont été priés de ne pas prendre le départ de la course. La direction du Tour avait minutieusement épluché le rapport d’une enquête rondement menée par la justice espagnole et dont le secret d’instruction fut levé à la veille du départ de la 93e Grande Boucle. Manolo Saiz, gourou du peloton et directeur sportif de l’équipe Astana-Wurth (ex-Liberty Seguros), avait été arrêté le 23 mai à Madrid.

De Rijck mortellement transfusé

L’enquête minutieuse (500 pages d’instruction), menée durant plusieurs mois par la garde civile espagnole, ne laisse planer aucun doute sur l’existence d’un authentique réseau organisant le trafic de produits dopants et de dopage sanguin, au nom de code  » Opération Puerto « . Dans les trois frigos personnels, d’une capacité de quelque 200 litres, trouvés au domicile du nébuleux hématologue Eufemiano Fuentes, les enquêteurs ont découvert un cocktail affolant : 96 poches de sang congelé et 20 poches de plasma, 500 médicaments allant du Prozac à des concentrés de testostérone… Ce n’est donc pas à la suite de  » contrôles antidopage  » que le ciel est tombé sur la tête des tricheurs, mais bien grâce à une filature policière efficace.

L’apparition de l’EPO (érythropoïétine) semblait pourtant avoir signé la fin de la transfusion sanguine. Mais cette  » bonne  » vieille méthode est revenue dans le cyclisme quand le  » test de l’EPO  » est apparu, en 2000. En quoi consiste le dopage sanguin ? Il s’agit de l’administration par voie intraveineuse de globules rouges ou de composés sanguins contenant des globules rouges. Il existe deux types de transfusions. L’une est réalisée à partir de son propre sang, l’autre avec du sang d’un tiers. Les globules rouges sont séparés des globules blancs à l’aide d’une centrifugeuse. On les congèle ensuite et l’on s’injecte ce sang multivitaminé (car chargé, au maximum, en bons globules rouges) dans les heures précédant l’effort. Indétectable ! Le principal  » avantage  » de ce type de dopage aujourd’hui revenu à la mode, surtout dans les sports d’endurance, est simple : il augmente l’oxygénation des tissus musculaires et booste, donc, la capacité d’entraînement.

La Belgique a connu un exemple malheureux de ce type de pratique interdite. En 1991, le footballeur Luc De Rijck (25 ans), attaquant du club de Turnhout, s’était laisser tenter par le diable à l’approche du tour final de Division 2. Sur les conseils du médecin du club, il avait accepté une séance HOT ( Hemathogene Oxydation Therapy). Mais lors de la transfusion sanguine effectuée avec un appareil allemand flambant neuf… mais non agréé en Belgique, Luc De Rijck fut victime d’une embolie gazeuse, qui entraîna sa mort. l

Alexandre Charlier

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire