Le sacre du faiseur de rois ?

Avec Guido Westerwelle à leur tête, les libéraux espèrent revenir au centre du jeu politique et gouverner avec la CDU. Comme au bon vieux temps.

DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL

Aujourd’hui, il en sourit, mais, voilà quelques années, Guido Westerwelle avait failli rater son premier rendez-vous avec Angela Merkel. Ce jour-là, le leader du Parti libéral-démocrate (FDP, libéraux) se présente avec une demi-heure de retardà mais avec un bouquet de fleurs pour se faire pardonner.  » Angela Merkel, qui apprécie les bonnes manières, a été touchée par la spontanéité du geste, relève Evelyn Roll, auteur de la biographie Die Kanzlerin (La Chancelière). Elle et Westerwelle se sont bien entendus, au point de se tutoyer.  » C’est d’ailleurs à l’occasion de l’anniversaire d’Angela Merkel que, plus tard, Guido Westerwelle choisit de révéler son homosexualité au Tout-Berlin, en se présentant à la fête au bras de son compagnon, un entrepreneur de Cologne.

Au lendemain des élections du 27 septembre, Merkel et Westerwelle pourraient se rapprocher davantage, au gouvernement cette fois, et au sein d’une coalition CDU (chrétiens-démocrates)-FDP, dite  » noire-jaune « , ce qui signifierait, pour le gouvernement Merkel II, un virage économique à droite. Ce retour aux affaires, les libéraux – qui réalisent leurs meilleurs scores dans les beaux quartiers – l’espèrent depuis onze ans, eux qui,  » faiseurs de rois « , ont participé à presque toutes les coalitions gouvernementales de droite et de gauche. Et qui ont longtemps tenu le portefeuille des Affaires étrangères pour une chasse gardée dont l’un des plus illustres détenteurs, de 1974 à 1992, se nommait Hans-Dietrich Genscher. Troisième parti du Bundestag où il est  » charnière  » depuis sa création, en 1948, le FDP a ainsi gouverné avec Konrad Adenauer (CDU), avec Willy Brandt et Helmut Schmidt (tous deux sociaux-démocrates, SDP) et, enfin, avec Helmut Kohl (CDU), de 1982 à 1998. En Allemagne, ces allers-retours ne sont pas vus comme des  » retournements de veste « .

Sans équivalent dans la vie politique française, le FDP est en effet un parti traversé de courants contradictoires. Economiquement, il se définit par un libéralisme  » de droite « . Mais, dans les domaines des droits de l’homme, des libertés publiques ou de l’immigration, il se caractérise par des idées libérales  » de gauche « .  » Quand le courant capitaliste a pris le contrôle du parti, au tournant des années 1970-1980, de nombreux électeurs libéraux ont migré chez les Verts, se souvient Gilbert Casasus, professeur à l’université de Fribourg. Aujourd’hui, certains de ces électeurs écologistes, embourgeoisés, sont prêts à voter pour Westerwelle. « 

Une campagne axée sur la baisse des impôts

En attendant, Westerwelle travaille son image. Objectif : faire oublier qu’il y a sept ans, soudain atteint de  » jeunisme « , il s’affichait avec des vedettes de la télé-réalité et ambitionnait de faire du FDP le  » parti de l’éclate  » (Spass-Partei). Aujourd’hui, le candidat du  » Mittelstand  » – cette Allemagne du capitalisme familial qui s’estime négligée par l’Etat au profit des grandes multinationales comme Opel – fait une campagne sérieuse axée sur la baisse des impôts.  » Paradoxalement, ce discours semble fonctionner en temps de crise « , s’étonne, à Berlin, Claire Demesmay, de l’Institut allemand de politique étrangère (DGAP). Au début du mois de septembre, les sondages créditaient les libéraux de Guido Westerwelle de 14 % d’intentions de vote. Un come-back triomphal ?  » Attention, tempère Gilbert Casasus, les sondages allemands sont parmi les moins fiables d’Europe.  » Echaudé par une décennie d’échecs, Guido Westerwelle, lui, le sait. Et ronge son frein en espérant, à 47 ans, obtenir le premier portefeuille de sa carrière.

AXEL GYLDÉN

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