Le  » revival  » du bal communal

C’est la saison des bastringues. Mais les flonflons présidés par Monsieur le bourgmestre n’ont plus grand-chose à voir avec les galas d’antan. Aujourd’hui, place aux stars (bon marché) et aux DJ

En dépit du bouquet de fleurs et du seau à champagne, la loge réservée au chanteur est loin d’afficher le grand luxe… puisque c’est le vestiaire de l’arbitre.  » Il a quand même une douche et une toilette privées, précise Eddy Verheyen, secrétaire du bourgmestre d’Evere Rudy Vervoort (PS). Et puis, ces artistes en ont vu d’autres…  » Transformé pour un soir en boîte de nuit, le complexe sportif de la commune s’est doté de dizaines de tables rondes numérotées, et d’une vaste piste où, pour l’heure, une majorité de femmes se déhanchent sur les  » hi  » et les  » ha  » de Las Ketchup. Aux extrémités du terrain, les paniers de baskets ont été hissés jusqu’au toit, et derrière une arche de spots, un écran géant alterne messages des sponsors et mimiques nunuches des ados de la  » Starac « . Caché en coulisses, pour éviter les mécontents qui, chaque année, exigent d’être placés  » près de la porte ou des fenêtres, loin des baffles ou des courants d’air « , Eddy soupire. En quelques années, son épouse Anne et lui-même, tous deux fonctionnaires, ont dû s’improviser organisateurs de spectacles.  » Un bal du bourgmestre, ce n’est plus la fête où l’on vient par obligation faire acte de présence et plaisir au maïeur.  » La musette s’est muée en dancing, avec guest-star. Partout en Belgique, de nombreux collèges communaux envisagent de mettre sur pied, ou de remanier, cette formule de java qui plaît visiblement à tant d’électeurs…

A Evere, le tournant s’est produit en 1999 quand, après avoir supprimé, pendant huit années consécutives, une réjouissance jugée démodée, les édiles décident d’en modifier radicalement la recette. Première victime : l’orchestre, accessoire ringard, qui passe définitivement à la trappe.  » Les musiciens jouaient un quart d’heure puis prenaient dix minutes de pause. Ça cassait l’ambiance. Le public n’aime plus « , juge Verheyen. L’air du temps est aux disc-jockeys, qui  » assurent  » sans temps mort. Exit aussi la tombola où l’on gagnait de saintes horreurs, ainsi que les buvettes : tôt ou tard, des piliers de bar finissaient par imprimer au bal une tournure un peu trop éthylique.  » Désormais, on boit assis, et servi uniquement par un garçon.  » Résultat ? Les 400 habitués contraints d’écouter, jadis, dans une salle de la maison communale, le concert intimiste de Toots Thielemans ou le  » show des îles  » monté par des hôtesses d’Air-France, ont, d’un seul coup, fait place à une foule de 1 200 personnes. Des jeunes, des vieux, des familles avec enfants, des clubs sportifs au grand complet. Et des fans de l’idole invitée, informés,  » dieu sait comment, et bien avant l’annonce officielle « , de son passage sur scène…  » Vu l’affluence, on a dû opter pour notre salle omnisports. A Bruxelles, il n’y a rien de plus spacieux, sinon Forest-National. Mais ce n’est pas sur notre territoire « , regrette l’organisateur. Echaudée par une campagne radio qui lui valut un flot de réservations impossible à endiguer, Evere se contente désormais d’annoncer l’événement au moyen d’affichettes assez discrètes.  » Chaque année, nous sommes néanmoins débordés…  »

Ce succès-là, assez inattendu, étonne ceux qui en sont les artisans. En cause, sans doute la proximité et les prix démocratiques. Et peut-être aussi ce sentiment de sécurité qu’inspire la présence, à la fête, du chef de la police locale.  » Les gens prétendent qu’ici, contrairement au centre-ville, ils n’ont rien à craindre. Et leurs voitures non plus !  » Bien sûr, il y a les vedettes. Ni grandes stars ni chevaux de retour. A Evere, on les préfère issues des années 1970, parce que leurs tubes plaisent à tous et que leur cachet reste raisonnable û il oscille entre 6 000 et 8 000 euros.  » Surtout, cette génération-là accepte de chanter sans musiciens, sur des bandes instrumentales enregistrées, ce qui diminue les coûts.  » Déjà entendus : Michel Delpech, Nicolas Peyrac, Dave, Claude Barzotti… La commune a bien tenté de contacter des gloires nationales, mais des Arno, Clouseau, Maurane ou Adamo restent proprement  » impayables « .  » Pour une petite prestation, Axel Red demande un million de francs ! affirme Verheyen. C’est évidemment hors budget…  » Les stars de bal se révèlent nettement moins exigeantes : pour faire leur bonheur, il suffirait de leur réserver une petite attention : prévoir,  » en extra  » dans leur chambre d’hôtel, un assortiment de journaux ou un petit porno… Cette année, Patrick Juvet s’est d’ailleurs montré particulièrement obligeant : avant de saisir son micro, il n’a pris que du coca. Et pour voyager, il a choisi Virgin Express…

Valérie Colin

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