Le retour de l’atome

Signe des temps, c’est Peter van Geel, le secrétaire d’Etat à l’Environnement, qui a annoncé, début janvier, la prolongation jusqu’en 2033 de la seule centrale nucléaire des Pays-Bas. Vingt ans après Tchernobyl, l’atome civil est de retour et les grands constructeurs mondiaux, français en tête, regardent cette tendance de fond avec appétit. Les préoccupations environnementales de lutte contre le réchauffement climatique viennent s’ajouter aux soucis économiques dus à la flambée des cours du brut et à cette  » découverte  » un peu tardive : l’Europe est partiellement dépendante des hydrocarbures russes.

Les grands électriciens américains – soutenus par George Bush et Dick Cheney qui ont fait du nucléaire civil un des piliers de leur plan énergétique – ont une dizaine de projets dans leurs cartons. La course est ouverte pour bénéficier des subventions de Washington, qui attribuera 4 milliards de dollars aux 6 premières nouvelles centrales. L’Asie, elle, met les bouchées doubles. La Chine veut disposer de 25 nouvelles centrales en 2020. L’Inde a les mêmes ambitions que Pékin mais celles-ci ne pourront se concrétiser tant que New Delhi n’aura pas signé le traité de non-prolifération nucléaire. Par ailleurs, de nouveaux pays, comme le Vietnam ou l’Indonésie, souhaitent entrer en lice. L’Europe frissonne. Alors qu’elle n’a pas terminé la construction de son cinquième réacteur, la Finlande songe à en acquérir un sixième. Début janvier, Jacques Chirac a souhaité que la France mette en service une centrale de la 4e génération en 2020. Une  » tranche  » de la 3e génération a déjà reçu le feu vert fin 2004. En Allemagne, même si Angela Merkel a dû renoncer, dans l’accord de coalition, à revenir sur la sortie du nucléaire décidée par le gouvernement précédent, le débat n’est pas clos. Bien que le gouvernement arc-en-ciel ait décidé, en 2002, d’engager la Belgique vers la sortie du nucléaire entre 2015 et 2025, un débat parlementaire prévu pour la fin de l’année examinera l’opportunité de revenir sur cette décision. Mais c’est au prochain gouvernement fédéral, issu des élections de 2007, qu’il reviendra de trancher la question. En Grande-Bretagne, où les énergies renouvelables tenaient jusqu’ici le haut du pavé, Tony Blair a réintroduit l’option nucléaire dans la réflexion publique et l’Italie, respectueuse de son moratoire, a pourtant autorisé l’Enel (l’Electrabel italienne) à investir dans le nucléaire… français. L’Europe évitera-t-elle le débat ? En mars, la Commission doit publier un  » livre vert  » sur l’élaboration d’une éventuelle politique énergétique commune, à laquelle beaucoup d’Etats membres s’étaient montrés réticents jusqu’ici. Mais le bras de fer gazier entre la Russie et l’Ukraine, puis la Géorgie (lire ci-contre), de même que le risque d’instabilité en Iran, ont rappelé aux Européens qu’une diversification bien organisée de leurs sources d’énergie relève de l’élémentaire prudence.

Georges Dupuy et Jacques Gevers

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