Le renouveau, au forceps…

Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

Finances dans le rouge, entrailles en travaux : Charleroi peine à se sortir de l’ornière, mais elle y travaille sérieusement. Les optimistes planifient le renouveau, les autres se demandent si le ciel carolo se teintera un jour de bleu. Petit état des lieux.

La phrase est signée Simon Bullman, qui préside le B4C, Business for Charleroi :  » Charleroi n’est pas la plus belle ville du monde, c’est clair. Mais si on veut créer autre chose pour nos enfants, à nous, entrepreneurs, de mouiller le maillot.  » Si nous évoquerons plus en détail les activités de son club d’affaires, les mots de l’entrepreneur carolo résument bien l’état d’esprit qui règne actuellement sur le Pays noir. Une envie de renouveau. Mais un renouveau qui ne se matérialisera qu’à l’huile de coude. Parce que l’optimisme n’est parfois qu’une façade :  » On tatouille, on essaie. Mais on ne trouve pas encore le truc pour faire décoller la ville. Charleroi, c’est la ville du pays où les citoyens ont le moins confiance en la politique. On n’est nulle part par rapport à Liège, par exemple, qui est largement privilégiée par la Région : comment faire pour s’en sortir si on nous étouffe ?  » lance un observateur attentif du paysage carolo. Le plan de gestion auquel est soumis la ville n’encourage pas les initiatives ou les développements ambitieux. Les investissements sont limités, pour parler pudiquement : le budget 2011 de Charleroi n’a pas passé la rampe de la Région et la cité est passée sous tutelle wallonne, avec un manager de gestion dans le rôle du pompier de service.

Certains voient néanmoins l’avenir en rose. Ou veulent y croire. Ils pourraient, pour ce faire, s’appuyer sur l’expérience. Sur l’expérience d’une ville occupée et qui, durant la Seconde Guerre mondiale, s’est foncièrement distinguée par sa combativité. Attentats, sabotages, assassinats de rexistes : la Résistance carolo, emmenée notamment par un contingent communiste assez important, a tout fait pour rendre la vie dure à l’Allemagne nazie. Nous évoquerons ces épisodes en détail. La résistance aux conditions difficiles paraît inscrite dans les gênes locaux.

Des chantiers pour un mieux

Soixante-cinq ans plus tard, la ville a parfois des airs de champ de bataille. Charleroi mange manifestement son pain noir, provoquant l’ire des uns, l’espoir des autres : quand ils s’achèveront (les mauvaises langues diront :  » s’ils s’achèvent « ), ces chantiers devraient donner un tout autre visage à une ville dotée, notamment, d’un métro attendu depuis plusieurs décennies. Enfin ! La boucle centrale pourrait être totalement opérationnelle dès la fin de l’année : de quoi sortir le métro carolo de la liste peu enviable des grands travaux inutiles. Nous ferons d’ailleurs le point sur le schéma de structure communal à venir (lequel imagine la ville à vingt ans, quand Charleroi aura probablement dépassé les 250 000 habitants) et sur une série de projets urbanistiques d’importance. Le nouvel hôtel de police en est assurément l’un des phares : même si, à l’heure d’écrire ces lignes, ce n’est pas encore sûr à 100 %, il semble bien que l’une des stars françaises de l’architecture, Jean Nouvel, se trouve à la planche à dessin pour cette nouvelle tour passive haute de 75 mètres. Un atout non négligeable, qu’il faudra exhiber, mais qu’il faudra financer d’abord. Cette tour s’inscrit dans les différents développements enregistrés dans la Ville haute.

Les projets Rive gauche et Phénix, sur lesquels nous insisterons également, se chargeront de donner un nouveau souffle à la Ville basse, qui en avait bien besoin. Plus généralement, le centre-ville, déserté depuis plusieurs décennies par ses habitants, attend qu’on y insuffle plus de dynamisme : le retour des habitants est à ce prix, au prix aussi d’une amélioration de l’habitat. Les spécialistes de l’immobilier interrogés pour prendre le pouls du marché local sont formels : le centre n’est vraiment pas couru par le chaland. Et si le secteur, plus globalement, semble se diriger vers ses standards d’avant-crise, l’état du marché des appartements prouverait qu’on n’est pas encore totalement sorti de l’ornière.

Qui pour succéder à Viseur ?

Pour expliquer en partie les difficultés auxquelles ils sont confrontés, les édiles carolos se disent moins favorisés que Liège au niveau régional. Ils le clament dans les pages qui suivent. Des pages où nous verrons qui, dans l’optique des élections communales de 2012, succédera au CDH Jean-Jacques Viseur : un bourgmestre qui s’y connaît particulièrement bien en gestion d’incendie, mais qui ne se représentera pas l’année prochaine. Paul Magnette surfera-t-il sur sa vague de crédibilité et de sympathie pour ceindre l’écharpe mayorale ? Se fera-t-il coiffer la fonction par un Olivier Chastel à l’affût ? Ecolo quittera-il l’opposition ? Nous ferons un petit tour des partis, pour relever quelques-uns des enjeux auxquels est confrontée à la ville. Les multiples travaux qui quadrillent le tissu local en font partie.

Dans ce dossier, nous aborderons également l’avenir du Sporting de Charleroi, dont la descente en division 2 vient de rendre plus d’un supporter malheureux. Conflictuelles souvent, normalisées parfois, les relations entre la Ville et les Zèbres semblent plutôt cordiales… mais risquent de se dégrader sérieusement si les parties se retrouvent au tribunal pour une question de loyer du stade. Lequel devrait être démantelé prochainement : reste à savoir s’il sera laissé en l’état (de 30 000 à 15 000 places) ou s’il sera bel et bien reconstruit à Marchienne-au-Pont.

De chantier, il en sera également question pour les développements économiques pilotés par l’intercommunale Igretec : de nouveaux parcs d’activités sont en projet, notamment du côté de Jumet. Pas sûr que cela réponde aux besoins des PME qui souhaiteraient s’implanter dans la région, mais il s’agit assurément d’un premier pas. A Charleroi, le contexte économique et la formation constituent un tout sur lequel nous insisterons également : un état des lieux de l’enseignement supérieur a été dressé. Pas très favorable, il faut le dire. Mais puisque le débat général sur la matière est lancé en Communauté française, c’est probablement le moment, pour Charleroi, de réagir si l’opportunité s’en présente.

Enfin, la culture trouvera aussi son espace dans ce dossier : en 1911, l’Expo internationale de Charleroi démontrait au monde entier la force industrielle de la ville. Un siècle est passé, entraînant avec lui l’ère postindustrielle, mais les artistes peuvent encore largement s’inspirer de la machine pour exciter leur créativité. C’est ce qui devrait ressortir du copieux menu distillé dans l’expo Charleroi 1911-2011. L’industrie s’associe à la culture. En espérant qu’elle sera une pièce du renouveau.

GUY VERSTRAETEN

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