Le régime Cameron, dur à avaler

Quoique plus populaire que ses adversaires, le Premier ministre conservateur voit sa cote chuter après la présentation du budget… et une bourde qui tombe mal sur un fast-food.

Et si une simple tourte au b£uf haché avait suffi à mettre fin à un état de grâce relatif de près de deux ans ? Ce 28 mars, le Premier ministre (conservateur), David Cameron, prononce un discours pour justifier les mesures annoncées dans le nouveau budget, le temps fort de l’année politique britannique. Afin de défendre l’augmentation de la TVA sur la nourriture à emporter, il raconte comment lui-même  » adore  » ces Cornish pasties, originaires des Cornouailles appréciés par nombre d’Anglais qui en font leur quotidien. Mieux, il détaille son dernier achat,  » récent « , à la gare de Leeds. Problème, les journalistes découvrent que l’échoppe citée a fermé enà 2007. Pressé de questions, Downing Street s’en tire en avouant une confusion probable du Premier ministre.

Cet impair, qui renvoie aux turpitudes et mises en scène des spin doctors (experts en communication) de l’ère Blair, ne pouvait pas plus mal tomber. Quelques jours plus tôt, The Sunday Times (droite) révélait qu’une enveloppe de 250 000 livres (303 000 euros) valait invitation pour dîner à la table du chef de gouvernement. Le trésorier du Parti conservateur démissionna, mais le mal était fait.

Dans les sondages, la cote de David Cameron plonge de manière spectaculaire (voir graphique). En janvier, alors même que l’espoir d’une reprise durable de l’économie s’amenuisait, il jouissait, pourtant, d’un regain de popularité : l’opinion lui savait gré d’avoir repoussé le pacte fiscal européen (quitte à se brouiller avec Nicolas Sarkozy). Sa formation repassait même en tête des intentions de vote, tant l’europhobie est plus forte que jamais dans l’archipel, surtout à droite. Et sa gestion de la crise était acceptée.

Le moment Cameron n’aura- t-il été qu’une parenthèse ? Sa brutale impopularité coïncide aussi avec l’arbitrage rendu sur l’abaissement du taux supérieur de l’impôt sur le revenu, de 50 à 45 %. Ce  » cadeau fait aux riches « , accompagné d’une augmentation des prélèvements sur les retraites, a ranimé l’anathème traditionnel qui pèse sur le parti tory, souvent assimilé à une formation dominée par des privilégiés dévoués à la défense exclusive de leurs intérêts. Pour Cameron, petit-cousin – certes éloigné – de la reine, et George Osborne, son influent ministre des Finances, héritier d’une solide fortune familiale, c’est une catastrophe. Face à la crise financière et économique, et pour légitimer la politique d’austérité qui y répond, le gouvernement affichait une ligne tough and fair (dure mais juste) d’efforts partagés. Le message plaisait ; il ne passe plus.

Membre du Bullingdon, un club de gosses de riches

Une fois entré en politique, David Cameron n’avait eu de cesse, pourtant, de rompre tout lien visible avec ses origines. Il affiche une simplicité de bon aloi. Impose des candidats issus de l’immigration. Vante sa fibre écolo. Promet de légaliser le mariage gay. Il faut faire oublier que lui, Osborne et Boris Johnson, le maire de Londres – les trois hommes les plus puissants du royaume – étaient ensemble, à l’université d’Oxford, membres du Bullingdon, un club ultrasnob de gosses de riches réputés pour leurs frasques et convaincus d’être appelés par le droit du sang à diriger le royaume. Dans l’opposition, puis pendant la campagne électorale de 2010, il réussit à  » détoxifier  » le parti, en présentant la formation des New Tories à l’écoute, sinon à l’image, de la middle England, cette Angleterre des classes moyennes, pivot de toute majorité électorale. Il parvient, en tout cas, à en dissocier son image personnelle. Un mensonge bénin sur un fast-food risque bien d’avoir tout balayé.

JEAN-MICHEL DEMETZ

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