Le pari du  » Paris-Liège « 

Nouveau venu sur la scène littéraire, le  » Prix Paris-Liège  » couronnera un essai en sciences humaines. Nos auteurs belges parviendront-ils à concurrencer les  » stars  » hexagonales ?

Un prix pour resserrer les liens entre deux métropoles amies ? Pour rompre avec le parisianisme excessif ? Pour renforcer l’aura culturelle de la Cité ardente ?  » Pour espérer, comme plaisante son bourgmestre Willy Demeyer, que se multiplient les Thalys entre eux et nous  » ? C’est un peu tout ça, en effet… Car Liège et Paris, c’est une vieille histoire d’amour. Liège est l’une des cinq villes étrangères à avoir reçu, de l’Hexagone, la Légion d’honneur. Liège, c’est aussi la plus francophile des villes wallonnes : on y fête davantage le 14-Juillet que le 21. Et voici donc une occasion supplémentaire de rapprocher ses habitants de leurs voisins méridionaux. Un concours littéraire, au nom de course cycliste ou de ligne ferroviaire : le  » Prix Paris-Liège « , dont la première remise solennelle aura lieu à la fin de l’été prochain.

Ce nouveau (bien)venu dans le monde de l’édition distingue, cette fois, non pas un roman (un genre suffisamment  » couvert  » en récompenses), mais un essai en sciences humaines, écrit en langue française et publié au cours de l’année précédant celle de la cérémonie. Pour les membres fondateurs du  » Paris-Liège  » (La Ville de Liège, avec la Ville de Paris, l’ULg, l’Académie royale des beaux-arts de Liège et l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique), son prize money de 10 000 euros est  » sans doute le plus important en francophonie, toutes catégories littéraires confondues « .  » Nous voulons primer un essai, domaine qui n’a souvent droit qu’aux marges du monde littéraire « , souligne Pierre Somville, professeur honoraire d’esthétique à l’ULg. Aux marges ? Pas tant que ça : moins prisé que la littérature, l’essai est un genre qui n’a pas cessé de produire, ces dernières années, un nombre croissant de  » best- sellers « , tant en philosophie qu’en histoire, en sociologie, en psychologie, en anthropologie, et dans tous les domaines connexes, de l’éthologie à la politique. Indignez-vous !, de Stéphane Hessel, caracole en tête des classements depuis belle lurette – il figure depuis 58 semaines au palmarès du Vif/L’Express. De L’Ordre libertaire. La vie philosophique d’Albert Camus, par Michel Onfray (1), à Les Intellectuels faussaires, de Pascal Boniface, on ne compte plus les £uvres qui s’écoulent en librairies…  » Nous élirons un livre en équilibre entre traitement pointu et grand public, promet Daniel Salvatore Schiffer, cheville ouvrière du prix.

Pour récolter des titres susceptibles de concourir, un appel a été lancé à 135 éditeurs français, belges, luxembourgeois, suisses et canadiens. A quelle quantité d’ouvrages soumettront-ils les quinze membres (issus des institutions organisatrices) du premier comité de sélection… reste un mystère. Le Seuil et le Pommier ont déjà fourni trois essais chacun. La masse à lire pourrait vite se révéler indigeste.  » On est allé à la pêche au gros, témoigne Henri Spruyt, un des collaborateurs. Combien on en recevra, c’est un peu du pitchesbak.  » Seule certitude, vingt livres uniquement aboutiront aux mains du jury international final (7 membres, présidé par Jean-François Kahn). Porteront-ils tous la signature de grosses pointures des sciences humaines ? La victoire d’une célébrité donnerait du crédit au prix.  » Mais, assure Schiffer, on ne désespère pas de trouver la perle rare. Même chez un petit éditeur.  » Belge ? Allez savoir ! Liège aurait certes davantage  » besoin  » de ce prix que Paris. Mais nos auteurs arriveront-ils à damer le pion aux  » stars  » hexagonales ?

(1) Michel Onfray donnera une conférence sur ce thème, le 18 septembre 2012, jour de la remise du prix à l’Académie royale des beaux-arts de Liège.

VALÉRIE COLIN

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